CECI n'est pas EXECUTE 25 octobre 1885

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25 octobre 1885

Albert de Broglie à Alfred de Falloux

25 octobre 1885

Cher ami, je suis bien en retard avec vous ; et j'aurais dû vous remercier de vos souhaits avant de vous dire combien je suis touché de vos regrets. Croyez bien que l'étonnant n'est pas que je reste en route, mais que j'ai été si près du but1. Il y a entre moi le suffrage universel toutes sorte compatibilité d'humeur qui rend le divorce plus facile à comprendre que le mariage. J'ai eu des défections bonapartistes, au premier tour, des violences administratives sur une partie du département en second, des tripotage dans le maniement et l'arrangement des bulletins. Mais tout cela n'est que l'accessoire : le vrai, c'est que 1877 est trop près de 1885 pour être oublié par ceux qui nous remercient mais ne veulent pas trop faire amende honorable, et que j'ai eu le pouvoir quelques mois dans un temps et dans un pays où il fait trop d'ennemis. Le vrai aussi c'est que nous sommes démocrates même parmi les conservateurs, et que la prétention d'avoir quelque mérite personnel à une situation héréditaire choque comme une impardonnable arrogance.

Je ne veux pas me faire plus stoïcien que je ne suis, et ne conteste pas le chagrin que j'ai éprouvé au premier moment. Je me console un peu et reconnaissant que je ne vois pas bien quel service aurais rendu dans cette assemblée je ne vois pas même clairement quelle conduite est bon à tenir. Le public va demander à la droite deux choses contradictoires et de tirer le pays d'affaire et de ne lui causer ni crise ni secousse. Il lui dit j'ai un chancre qu'on appelle la république : débarrasser ment sans me faire de mal et sans me faire subir d'opération. Bien habile serait le chirurgien qui résoudrait le problème.

Encore une fois, milles remerciements cher ami : si je n'avais pas beaucoup d'affaires laissées en souffrance pendant ce tracas électorale j'irais bien volontiers à Rochecotte ou à Angers unir nos deux retraites aussi complètes maintenant l'une que l'autre. Malheureusement, il faut que je regagne Paris demain. Mille et mille amitiés.

Broglie

Je n'avais rien su de votre indisposition de Rochecotte. J'espère qu'il n'y a plus de trace. Je ne suis pas encore retourné à l'académie et ne sais rien de ce qui s'y passe.

1Battu au sénat le 6 janvier 1885, Albert de Broglie s'était porté candidat sur la liste des conservateurs dans l'Eure. Il sera néanmoins devancé de quelques voix par un républicain.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «25 octobre 1885», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1885,mis à jour le : 11/03/2016