CECI n'est pas EXECUTE 2 mars 1878

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2 mars 1878

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

2 mars 1878*

Chère Madame, nous aurions souhaité que les dernières épreuves de Mlle Lecreux1 vous atteignissent au Bourg d'Iré, mais nous ne l'avions guère espéré. Nous nous résignons donc à ce dernier acte de votre courageuse bonté, mais en vous suppliant cependant de vous ménager vous-même et de songer constamment à combien d'êtres chéris vous êtes nécessaire ! Aussitôt que Mme de Caradeuc se sentira de force à partir pour Angers, elle le fera certainement, et ce sera, soyez en parfaitement sûre le signal de mon départ pour Rochecotte. Sa solitude ajoute encore à mon désir de le revoir, et ce serait comme ça que je le voudrais pour mon propre compte, si je ne voulais avant tout songer à vous et aux vôtres.

Le cher abbé2 annonçait à M. de Bertou des journaux qui ne nous sont point arrivés hier, mais peut-être arriveront-ils aujourd'hui car je vous écris avant l'heure du courrier. Il me demande aussi ce que je pense de la subvention de Pie IX à Veuillot ? Je n'en n'ai point été surpris, et, ce que Veuillot ne dit pas aujourd'hui ce sont les circonstances très aggravantes dans lesquelles les douze premiers mille francs lui ont été remis. Mais je suis vaincu sur tant de points et de tant de côtés divers que je ne dis plus rien sur rien. Depuis que j'ai vu le roi tuer net la monarchie, depuis que je vois le clergé et quelquefois les marquises pieuses se complaire dans tout ce qui nuit à l’Église, ne pouvant la perdre, je me voue au silence autant que je puis imposer cet effort à une nature qui y répugne beaucoup. Je suis donc préparé au cardinal Simeoni3, et je me prépare même au cardinal Antonelli4, si on peut le ressusciter. Ce siècle-ci me paraît irrévocablement destiné au rôle de creuset. Toute notre génération y passera, et il n'y a plus que les gens du XXe ou du XXIe siècle qui auront encore quelque agrément. Dieu soit béni !

A. de F.

Merci de l'adresse de l'abbé Seigneur5. Je vais en profiter, et vous amuserai peut-être en vous disant pourquoi.

 

**Fonds Castellane, Archives nationales.

1Secrétaire de Pauline de Castellane.

2Abbé Couvreux.

3Giovani Simeoni (1811-1892), membre de la curie romaine (Congrégation pour la Propaganda Fide) , nommé archevêque titulaire de Calcedonia en 1875, puis cardinal in pectore, préfet de la Congrégation des affaires ecclésiastiques publiques (1876-1878) sous Pie IX, il est confirmé dans ses fonction par Léon XII qui le nommera par la suite camerlingue du Sacré collège (1885-1886).

4Antonelli, Giacomo (1806-1876), cardinal et homme de confiance de Pie IX, il avait occupé, depuis 1850, le poste de secrétaire d’État.

5Le frère Adrien-Louis Seigneur avait le secrétaire du P. Lacordaire au cours des derniers de sa vie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 mars 1878», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1878,mis à jour le : 11/04/2016