CECI n'est pas EXECUTE 4 avril 1871

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4 avril 1871

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Bourg d'Iré, 4 avril 1871

Cher ami, M. Letort1 n'a point été consulté, mais les trois meilleurs médecins d'Angers ont formellement assuré que l'acétate aspiré ne pourrait avoir d'inconvénient. D'ailleurs, arrivé au point de souffrances continuelles où j'en suis, ma tête ne peut vraiment plus courir grand risque. Ce matin encore elle est bien prise. Il devient donc probable que ce remède-ci ira bientôt rejoindre les autres sur ma longue liste de tentatives inutiles. Je regrette beaucoup pour Madame de Castellane, dont je me considérais comme l'avant-garde, mais qui est peut-être moins difficile à guérir que moi.

La petite bataille de Neuilly2 devrait exercer une influence favorable sur l'esprit des troupes, à Versailles, et rendre possibles les opérations sérieuses. Néanmoins la rédaction des dépêches officielles ne me satisfait pas, et n'a point l'accent que je voudrais leur voir. Je ne comprends pas non plus pourquoi l'on suit à la piste les agents de l'Internationale sans les arrêter dans leur embauchage. Leur échec peut n'être qu'un ajournement et le fait seul de leur mission est un délit formel. Il faudrait alors abolir le quinquina qui coupe la fièvre entre deux accès, au lieu de la laisser revenir jusqu'à ce que mort s'en suive.

J'ai eu hier un mot de Fontaine3 venu à Versailles pour ses propres affaires et se disposant à regagner Paris sans paraître avoir aucun souci personnel. Je n'en suis pas plus rassuré pour lui ni pour Saint-Chéron, ni pour personne, car les gens auxquels nous avons à faire ne se gouvernent évidemment plus par aucun raisonnement ni par aucune loi politique, mais par un pur instinct de destruction radicale.

Je conçois bien qu'on désire Madeleine4 à Versailles5, mais pas qu'on l'y appelle, car jusqu'à nouvel ordre, tout tient à fil et les déménagements sont au moins aussi probables que les emménagements. Mille tendresses à tous et du fond de l'âme.

Alfred

1Médecin des Falloux.

2Quelques jours auparavant, les Communards avaient été contraint par l'offensive des troupes versaillaise de se replier sur Neuilly.

3Secrétaire de Falloux.

4Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné, mariée le 3 avril 1866 avec le marquis Antoine de Castellane.

5Antoine de Castellane, son mari, est alors à Versailles, siège du gouvernement de Thiers qui est alors en train d'organiser sa grande offensive contre la Commune.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «4 avril 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 13/11/2016