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Ier mars 1876
Joseph de Bennetot à Jules de Bertou
Ier mars 1876
Monsieur le comte,
M. Letort1 a trouvé hier, Monsieur de Falloux aussi bien que possible, la fièvre partie, l'appétit revenu. Cependant une certaine fatigue persiste du côté de la voie et des bronches, et la dictée reste interdite jusqu'à nouvel ordre, ainsi que le chappage habituel dans les régions hyperboréennes de la galerie.
La bataille électorale2 devient ici, de jour en jour, plus chaude et plus ardente. Monsieur de Falloux a tracé à l'inexpérience de M. de Terves3, par l'intermédiaire si dévoué de Monsieur de la Perraudière4, un plan de campagne qui a été immédiatement adopté. Déjà, et de son propre mouvement, M.de Terves, avec un sens très fin de l'opinion, avait rompu avec l'Étoile par une circulaire où il ose protester contre « l'abus des principes » et permettre son concours au Maréchal ! Le comité a décidé que l'Étoile ne reproduirait pas cette circulaire, mais, à une majorité si infime qu'on peut considérer le parti des exagérés comme réduit désormais à sa plus simple et, je l'espère, à sa plus inutile expression. M. Janvier5, un peu inquiet, a cru - ce sont ses propres termes - devoir jouer du drapeau tricolore. Monsieur de Terves tient toute prête une réponse très digne et très habile. Bref, tout permet d'espérer le succès, si le parti royaliste s'emploie, jusqu'au dernier moment, à la lutte avec toute son activité et toute sa vigueur.
La guerre carliste paraît momentanément finie. Je dis momentanément parce que, d'un jour à l'autre, le soulèvement passé si complètement dans les mœurs du Nord de l'Espagne peut recommencer. J'ai tout lieu de penser que mon oncle a pu gagner la France et nous n'avons d'incertitude que sur le sort de son frère que ses fonctions attachent à la personne de Don Carlos6. Je suis bien reconnaissant des nouvelles que vous voulez bien me promettre, le cas échéant et je vous en remercie d'avance, Monsieur le Comte, avec les sentiments les plus respectueusement et les plus fidèlement dévoués.
J. de Bennetot
1Médecin de la famille Falloux.
2Il s'agit du deuxième tour des élections législatives de 1876 qui devait avoir lieu le 5 mars.
3Terves, Léonce Pierre Gabriel, comte de (1840-1916), homme politique. Candidat conservateur-royaliste en 1876 dans l'arrondissement de Segré, il sera battu par son adversaire bonapartiste, Louis Janvier de La Motte. Plus heureux dans le même arrondissement, le 21 août 1881, M. de Terves fut élu député par 7.688 voix (14.298 votants, 17.489 inscrits), contre 6.421 au député sortant.
4Henri de La Perraudière, légitimiste, il est grand propriétaire à Lué-en-Baugeois (Maine-et-Loire), commune dont il est le maire.
5Motte, Louis Eugène Janvier de la (1849-1894), grand propriétaire, maire de Juvardeil (Maine-et-Loire) et conseiller général du canton de Chateauneuf-sur-Loir (Maine-et-Loire). Se présentant comme bonapartiste, il sera élu au 2ème tour de 1876.
6Don Carlos, Maria de los Dolores Juan Isidro José Francisco Quirino Antonio Miguel Gabriel Rafael de Bourbon dit (1848-1909), prétendant au trône d'Espagne suite à l'abdication en 1868 de son père, l'Infant Don Juan. Il avait été à l'origine de l'insurrection carliste contre la jeune Isabelle II.
