1876 |
10 mars 1876
Alexandre Fairé à Alfred de Falloux
Versailles (Chambre des Députés), le 10 mars 1876
J'ai reçu, Monsieur le comte, votre dépêche ; je vous remercie des félicitations que vous avez eu la bienveillance de m'adresser1. Je voudrais y puiser un motif d'encouragement au débat de la vie nouvelle que je commence ; mais les temps sont si incertains, l'avenir si inquiétant qu'en vérité mon élection me cause plus d'effroi que de satisfaction. J'ai conservé souvenir des paroles que vous prenez en scier, il y a bientôt trois ans chez Monsieur de Bernard et des craintes que vous inspirait alors l'avènement légal du radicalisme. Depuis ce temps nous avons rapidement glissé sur cette pente ; que ferons-nous dans quelques mois, que deviendrons-nous si le pays retombe aux mains des fous furieux armés cette fois, de la légalité ?
Si je cédais à ces tristes pressentiments, je serai presque heureux de voir mon élection contestée et je pardonnerais à la majorité républicaine d'abuser de la force que lui donne le nombre pour annuler ma faible majorité de 43 voix. Mais <deux mots illisibles> ; je le reconnais de mauvaises impressions ; il faut lutter quand même ; c'est le devoir du jour.
Veuillez bien agréer, Monsieur l'expression de mes sentiments les plus distingués.
A. Fairé2
1A. Fairé venait d'être élu député dans le Maine-et-Loire, dans la circonscription de Segré.
2Fairé, Alexandre (1824-1908), avocat et homme politique. Avocat au barreau d'Angers depuis 1848, il entra au conseil municipal d'Angers en 1870 avant de devenir l'adjoint du maire de la ville. Élu député en 1876, son élection sera invalidée. Réélu en 1877, il sera une nouvelle fois invalidé. Battu lors d'une élection partielle, il parviendra néanmoins à se faire élire en 1885. Resté en poste jusqu'en 1893, il siégeait à droite.
