CECI n'est pas EXECUTE 6 octobre 1874

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6 octobre 1874

Edouard de Fitz-James à Alfred de Falloux

St Bénezet par St-Gilles (Gard), 6 octobre 1874

Mon cher Falloux

Je vous remercie de votre bonne lettre reçue hier soir lundi seulement ; je vous aurais bien envoyé une dépêche mais le dépouillement du scrutin1 n'a été terminé qu'à 11 heures du soir. Ma dépêche d'hier lundi n'aurait pas été plus vite que les journaux. Dimanche prochain, je vous enverrai une dépêche que vous recevrez j'espère le lundi matin par la poste.

D'après ce que tout le monde me disait j'espérais fermement réussir au premier tour, M. de Surville2 s'étant retiré. Mais on comptait sans les rouge qui ont misé la Badrieuse, et sans ce travail souterrain qui hélas ! fait progresser les radicaux dans chaque scrutin et dont on ne peut d'avance se rendre compte.

On a dû faire venir la gendarmerie pour protéger le scrutin. On est chaud, je vous en réponds, dans le Midi. Sans le sieur Douzet, vieux légitimiste toqué qui s'est promené dans la ville pendant toute la semaine en disant que j'étais un septennaliste renforcé, un royaliste et un catholique extra libéral, le tout tourné bien entendu dans le plus mauvais sens et qui ainsi s'est fait donné 101 voix, sans les attaques de la Gazette de Nîmes3 et sans les vendanges non terminées qui ont produit beaucoup d'abstention, j'aurai passé. Dimanche, ce ne sera plus la même chose. Douzet se retire, la Gazette de Nîmes ne m'attaquera plus et les vendanges seront terminées. Je peux donc espérer un succès. Tout le monde du reste va s'en mêler car l'élection du Ier canton de Nîmes étant contraire pour les radicaux! De mon succès dépend la majorité conservatrice dans le Conseil général du Gard et la présidence le général Chabaud-Latour4.

Je vous envoie par ce même courrier un numéro de la Gazette de Nîmes. Vous verrez qu'elle est réconciliée avec moi et voilà dans quelles circonstances hier sont venus me trouver Surville et Berriet pour me dire que je devais comprendre que dans l'intérêt de notre cause et de mon élection, je ne pouvais pas rester brouillé avec la Gazette de Nîmes, ces messieurs m'apportèrent un article qui devait servir de point départ de notre réconciliation. Dans cet article on me faisait faire amende honorable. J'ai dit que je ne voulais pas du tout de cela et que si je voulais bien oublier les injures, il serait de la dignité de notre cause et de ses intérêts que la Gazette de Nîmes prenne son terrain de réconciliation avec moi dans une seconde affiche ou je répondrai à ces commentaires sur mon manifeste.

Après bien des pourparlers nous avons abouti à l'article que vous lirez. J'ai été alors à la Gazette de Nîmes où le comité m'attendait et m'a, je dois le dire, cordialement reçu. J'ai profité de cet épanchement pour leur dire ce que je pensais de leur politique casse cou et je les ai admonestés comme j'ai admonesté parfois le sieur de Quatrebarbes5 qui est un des plus mauvais spécimen du genre.

À revoir, mon cher Falloux, merci de votre affection. Merci aussi à ces dames de celle qu'elles veulent bien me témoigner. Je me mets à leurs pieds et je vous assure que je ne tiens à rien tant qu'à l'estime et à l'affection du Bourg d'Iré.

Duc de Fitz-James

1Il s'agit du scrutin cantonal. Propriétaire du château de Saint-Bénezet, à Saint-Gilles (Gard), le duc de Fitz-James est alors candidat dans le canton de Saint-Gilles. Candidat malheureux en Anjou, lors des élections législatives de 1871, il sera élu conseiller général du Gard au deuxième tour.

2Sans doute Isidore Marie Charles de Surville-Lattier, marquis de Lattier (1835-1911).

3Demeurée résolument fidèle au comte de Chambord, cette feuille légitimiste combattait les partisans d'une restauration fondée sur la réconciliation des deux branches de la famille royale.

4Chabaud-Latour, François Henri Ernest (1804-1885), homme d’État et militaire. Officier du génie, élu député du Gard de 1837 à 1848, il retrouve l'armée après la révolution de 1848. Promu général en 1853, il dirigea les services du génie durant le siège de Paris. De nouveau député du Gard en 1871, il siégea au centre droit. Ministre de l'Intérieur de juillet 1874 à mars 1875, ses amis protestants lui reprochèrent de se montrer quelque peu clérical.

5Quatrebarbes, Charles de (1824-1893), légitimiste ardent.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «6 octobre 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1874,mis à jour le : 28/12/2016