CECI n'est pas EXECUTE 1er octobre 1881

1881 |

1er octobre 1881

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

1er octobre 1881*

Chère Madame,

J’ai aussitôt envoyé de votre part à mon frère les cruels détails sur le pauvre Montessuy1 qui, grâce à Dieu, avait mis beaucoup de bonnes œuvres entre lui et ce terrible coup. J’ai écrit hier à Mme de Montessuy.

L’Univers ne s’en tient pas à l’article que je vous ai envoyé ; il raconte hier que la duchesse de Chaulnes2 est venue à Sablé3, qu’elle a cueilli une fleur sur le cercueil de son mari et qu’elle est restée longtemps en larmes dans l’auberge où elle était descendue !

Est-ce vrai ? Est-ce bien le marquis de Juigné4 lui-même qui envoie tous ces détails à L’Univers. J’ai écrit à Borys pour l’exhorter à parler à sa sœur, comme aurait fait son père ; mais je n’attends plus rien désormais ni des uns ni des autres et je demeure convaincu que rien ne se résoudra que par l’argent.

L’abbé Bernard5 sait-il ce qu’est le nouvel évêque de Montauban6 et comment il va organiser ses séminaires.

L’Étoile7 s’en prend à moi plus que jamais de l’humiliation que lui a infligée Georges de Blois8. Elle publiait hier, en tête de son n°, une lettre de quatre colonnes, adressée à M. le Comte de Falloux, ancien ministre du prince Louis-Napoléon ; tout est à l’avenant de ce titre qui promet.

On me dit qu’il y a à Angers beaucoup de révolte contre L’Étoile depuis quelques semaines, mais je n’en aperçois aucun symptôme dans mon voisinage et pas une parole de regret ou de blâme n’a été prononcée devant moi. La sœur Edwige en perd toute charité et je l’y rappelle de mon mieux.

Je ne puis m’accoutumer à l’idée du départ de Guérin et j’attends avec impatience, au premier courrier, l’annonce de votre réconciliation, habilement négociée par la gourmandise, négociation à laquelle je m’unirais bien si j’étais présent.

Melle Dubois a-t-elle de fraîches nouvelles de son frère ?

A. de F.

P. S. Merci à Madeleine9 pour sa bonne lettre qui arrive à l’instant !

 

 

 

 

 

*Archives nationales, Fonds Castellane.

1Montessuy, Gustave de (1809-1881), diplomate.

2Julie Valentine de Contades, duchesse de Chevreuse (1824-1900), veuve d'Honoré d'Allbert de Luynes, duc de Chevreuse (1823-1854). Elle venait de perdre son époux.

3L’Hôtel de Chaulnes, à Sablé, dans la Sarthe, était la résidence du duc et de la duchesse.

4Charles Léon Ernest Le Clercl, marquis de Juigné (1825-1886), homme politique. Propriétaire du château de Juigné-sur-Sarthe (Sarthe), il était membre de l'Assemblée nationale du 8 février 1871 où il siégeait avec les légitimistes; il était inscrit à la réunion Colbert et à celle des Réservoirs. Le comte et le marquis sont cousins. Plus modéré que son cousin, le marquis est un proche de Falloux. Il est le père de Madeleine de Castellane, épouse d'Antoine.

5Bernard Eugène (1833-1893), ecclésiastique.

6Mgr Adolphe-Josué-Frédéric Fiard (1821-1908), il venait d’être nommé évêque de Montauban, le 18 septembre 1881.

7L’Étoile de l’Ouest, fondé en 1871 par Mgr Freppel pour contrer L’Union de l’Ouest, jugée trop libérale.

8Blois Georges Aymar, comte de (1849-1906) neveu de Falloux, propriétaire du château de Huillé (Maine-et-Loire). Maire de Daumeray (Maine-et-Loire) en 1888 puis conseiller général du canton de Durtal (Maine-et-Loire), il fut élu sénateur du Maine-et-Loire en 1895. Réélu en 1897 puis en 1906, il prit place au groupe de la droite monarchiste. Propriétaire d'un domaine agricole, ayant hérité de son oncle Falloux, les célèbres étables du Bourg d’Iré, il intervint dans la plupart des débats agricoles. Il publia les Mémoires d 'un royaliste de son oncle peu après son décès.

9Madeleine de Castellane, née de Juigné (1847-1934), elle avait épousé Antoine de Castellane en 1866.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1er octobre 1881», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1881,mis à jour le : 04/11/2020