CECI n'est pas EXECUTE 14 novembre 1881

1881 |

14 novembre 1881

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

14 novembre 1881*

Chère Madame,

En définitive, que voulez-vous ? Que je n’aille pas en Italie par le choléra et surtout par la quarantaine ? Soyez tranquille, je n’irai pas que j’y aille aussitôt que le choléra et les quarantaines seront passées ? Je vous ai dit que c’était mon intention la plus formelle et je tiendrai parole dés que la route ne sera plus barrée. Que je trouve Léon XIII, un grand pape et une lettre de chancellerie, un billet doux ? Cela je ne puis vous l’accorder et pour vous prouver que je ne suis pas seul de mon avis comme vous semblez me le donner à entendre. Je vous envoie ci-inclus un Dix-neuvième siècle1 qu’on vient de m’envoyer de Paris. Méditez-bien le premier article et surtout les dernières lignes de la dernière colonne. C’est la vérité même, jusqu’à l’évidence. Je ne retranche de cet article que le dernier mot, fin diplomate. Léon XIII est à peine un diplomate de 3ème ordre. Quant à la fin, il est impossible de l’être moins. Vous diriez que je n’aime pas Léon XIII. C’est très vrai ; mais en vérité, je ne m’y crois pas obligé, il me suffit de lui obéir de près, quant aux sentiments, de loin, quant aux personnes. Il a pour défaut favori un des traits qui me sont le plus antipathiques. Je vous dirai de vive voix tout ce que j’en pense avec pièces à l’appui.

En attendant, je reviens sur l’épithète de fin diplomate que je lui dispute. Un fin diplomate est celui qui fait sortir d’un grand état de guerre un heureux état de paix, le prince de Talleyrand2, par exemple en 1814. La lettre de Léon XIII à l’évêque de Périgueux3 est tout le contraire de la finesse puisqu’il n’a même pas l’air de répondre quelque chose. Il y a précisément deux syllabus sur lesquels on se dispute et c’est précisément entre les deux qu’il refuse de se prononcer. Le compromettre personnellement sans avoir la chance d’obtenir aucun résultat, c’est le comble de la maladresse !

Dites-bien au cher Biche4 que je suis beaucoup plus occupé de ses nouvelles que je n’en ai l’air. J’avais espéré que sa fièvre serait tout à fait passagère comme toute fièvre de croissance dont il faut plutôt de féliciter que se plaindre du moment où elle persiste. Je lui envoie mille condoléances et mille demandes de ses nouvelles. Veuillez me renvoyer le XIX Siècle aussitôt que M. l’abbé Couvreux l’aurez lu.

A. de F.

 

*Archives nationales, Fonds Castellane.

1XIXème Siècle, journal républicain fondé en 1871.

2Charles-Maurice de Talleyrand (1754-1838).

3Dabert, Nicolas-Joseph (1811-1901), évêque de Périgueux de 1863 à 1901.

4Castellane, Stanislas de (1875-1959), dit « Biche », fils cadet d’Antoine de Castellane et donc petit-fils de Pauline de Castellane.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 novembre 1881», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1881,mis à jour le : 27/03/2018