CECI n'est pas EXECUTE 17 février 1876

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17 février 1876

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

17 février 1876

Cher ami, le dossier Swetchine1 est enfin sorti du ministère de l’Intérieur avec un avis très favorable et M. Wallon m’écrit de sa propre main qu’il va rapidement l’expédier au Conseil d’État. J’ai donc ce premier motif pour espérer gain de cause et j’en ai un second non moins décisif, - ce sont les procédés irrités de M. l’évêque d’Angers2. Pendant qu’il tenait le langage pacifique qui nous a été répété avant votre départ et affectait l’indifférence devant le public, il a fait entendre à la supérieure de Saumur les plus foudroyantes menaces : interdiction de la chapelle Saint-Joseph et retrait non plus seulement de la supérieure de l’hospice mais de toutes les sœurs et de tous les ordres sous la dépendance, ce qui serait la destruction, momentanée du moins, de l’hospice lui-même. La supérieure de Saumur, malade en ce moment, écrit par la main d’une assistante pour demander en grâce, que je cède à l’évêque pour conjurer les plus grands malheurs, et la sœur Saint-Joseph, assez gravement malade elle-même m’envoie cette lettre par Monsieur Gatine toujours admirablement dévoué. Après en avoir délibéré avec messager, et après avoir consacré à ce triste sujet mon habituel insomnie de la nuit suivante, je me suis arrêté à considérer cette fantasmagorie comme un moyen peu déguisé de m’amener à capitulation moment il s’est la bataille perdue à Paris. J’ai donc écrit en conséquence hier non à la supérieure féminine, manifestement épouvantée de la coterie de son évêque, mais au supérieur, curé de Cholet, et prêtre distingué. Ma lettre peut être montrée à l’évêque et a pour but de démontrer que la prolongation de la lutte après le jugement Conseil d’État encore inconnu de tout le monde serait un odieux scandale qui ne pourrait plus tourner que contre le curé de Segré, contre l’évêque, et contre la Religion : que si j’étais condamné, je me soumettrai sans mot dire et que, dans le cas opposé, les adversaires n’avaient pas autre chose à faire. J’attends maintenant les suites sans bouger je vous tiendrai au courant.

La petite Béchu va mieux et notre campagne électorale se continue dans un calme dont je n’avais pas encore vu d’exemple, même dans notre calme pays. Léon de Terves3 continue à se taire et ses amis aussi ; Janvier continu à se déconsidérer et s’il passe au premier tour, ce sera certainement le fait de Châteauneuf4 et du Lion5 ou je ne vois rien par moi-même. Le seul point d’irritation dans le département, mais là d’une irritation fondée, c’est l’arrondissement d’Armand de Maillé6. M. Formon, candidat de L’Étoile, le parcourt comme un caribou et son journal fait chaque jour un appel aux plus grosse injures et plus basses passions, jusqu’à s’armer d’un vote de M. de Maillé défavorable aux débitants de vin blanc et d’eau-de-vie de cidre, le tout en face d’un radical très avéré et qui ne se serait même pas présenté, si nous ne lui eussions créé cette chance.

La dernière lettre que celle de Madame de Castellane pour Mademoiselle de Biermont, et son gendre qui me l’écrit, ajoute qu’il avait été rarement plus brillant que dans cette journée à la fin de laquelle il a été soudainement enlevé par un accident au cœur. Je n’irai certainement pas à Paris pour John et pas davantage pour l’ouverture des Chambres. Je ne leur conseillerais pas ce qu’elles feront et elles ne feront pas ce que je leur conseillerais. Du reste, je persiste à croire que nous allons (plusieurs mots illisibles).

Alfred

L’oncle de M. de Bennetot s’appelle M. de Mainebalar

1Falloux était en conflit avec Mgr Freppel concernant ses projets d'agrandissement de l'Hospice Swetchine fondé avec l'argent que lui procurait la vente de ses ouvrages sur Mme Swetchine.

2Mgr Freppel.

3Terves, Léonce Pierre Gabriel, comte de (1840-1916), homme politique. Candidat conservateur-royaliste en 1876 dans l'arrondissement de Segré, il sera battu par son adversaire bonapartiste, Louis Janvier de La Motte. Plus heureux dans le même arrondissement, le 21 août 1881, M. de Terves fut élu député par 7.688 voix (14.298 votants, 17.489 inscrits), contre 6.421 au député sortant.

4Chateauneuf-sur-Loir, chef-lieu de canton du Maine-et-Lore.

5Lion d’Angers, chef-lieu de canton du Maine-et-Loire.

6Maillé, Armand Urbain Louis de La Jumellière de (1816-1903), député monarchiste de la circonscription de Cholet depuis 1871, il conservera son siège jusqu'en 1896, siégeant constamment avec l'Union des Droites.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 février 1876», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1876,mis à jour le : 03/10/2018