CECI n'est pas EXECUTE 16 juin 1882

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16 juin 1882

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

10 juin 1882*

Chère Madame,

Ne vous dégoûtez pas de moi, je vous en prie, et n’allez pas me rejeter parce que je me perfectionne ! L’esprit de solitude l’emporte décidément ; je reviens de la première messe dans la chapelle du cimetière où tous mes chers défunts1 sont désormais réunis. Là ont disparu les restes d’hésitation qui existaient encore en moi depuis le retour au Bourg d’Iré. Si je pouvais parvenir à devenir tout à fait un homme d’oraison, j’irai au courant. Ne le pouvant pas, je m’en tiendrai au cul de sac des Jacobins2. J’y passerai six mois d’hiver, les autres mois se partageraient entre les amis de Paris que je ne pourrai pas délaisser et le Bourg d’Iré, où j’ai encore quelques œuvres à achever. Je ne nomme pas Rochecotte, parce qu’il va toujours de soi et de droit. Ce genre de vie peut seul répondre à l’état de mon esprit, à la fatigue de mon corps et à l’économie dont j’ai besoin pour plusieurs desseins charitables. Ma santé ne s’en trouvera pas plus mal, parce que si le bon Dieu bénit mes intentions, il sera mon médecin et parce que en même temps, je prendrai au Bourg d’Iré des bains de Barèges3 factices et des bouteilles d’Eaux-Bonnes naturelles4. Dans tout cela, chère Madame, sauf vous et Evian, qui m’avez tenté, je n’ai pas un seul regret et je suis sûr que j’en aurai de moins en moins. A quoi serviraient le malheur et la vieillesse, s’ils n’apprenaient pas à se recueillir.

J’ai de très bonnes lettres d’évêques pour mes volumes et une vraiment belle de M. Naville. Ne le voyez-vous pas à Genève ? Quoique protestant, il est un fidèle allié des catholiques et je pense que les Dufresne l’aiment. Vous avez dû trouver une lettre de moi à Paray-le-Monial5; celle-ci va vous rejoindre ou vous attendre à Evian.

L’abbé Couvreux est-il content de St Gervais6, Albert [de Rességuier] est arrivé hier et apporte l’épreuve d’un memento de Madame de Caradeuc7 que je vous enverrai bientôt.

A. de F.

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Son épouse Marie, sa fille Loyde et Madame de Caradeuc, sa belle-mère décédée quelques jours plus tôt.

2Falloux séjournait souvent à Angers dans son appartement situé impasse des Jacobins.

3Station thermale des Hautes-Pyrénées.

4Eaux-Bonnes est une station thermale des Pyrénées-Atlantiques.

5Haut-lieu de pèlerinage de Vendée.

6Saint-Gervais-les Bains, station thermale de Haute-Savoie dans laquelle l’abbé Couvreux avaient séjourné quelques jours.

7Emilie Marie Charlotte de Caradeuc (1801-1882), sa belle-mère était décédée quelques jours plus tôt, le 27 mai.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «16 juin 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1882, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 16/05/2019