CECI n'est pas EXECUTE 3 janvier 1882

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3 janvier 1882

Jérôme Penaud à Pauline de Castellane

Le Bourg d’Iré, le 3 Janvier 1882 soir

Madame la Marquise,

M. de Falloux soigne ses branches au fond de son lit, mais rassurez-vous : rien ne fait craindre un dénouement tel que celui qui vient de se produire pour M. Hérold ! C’est simplement une de ces exécutions de voix auxquelles il est si sujet. Puisque je suis sur le chapitre des santés, je vais vous parler de Made de Caradeuc ; son état ne s’améliore ni ne s’aggrave sensiblement ; elle supporte assez bravement le régime des médecines et il semble même que depuis quelques temps, ses nuits soient moins agitées. Jusqu’à présent, les forces de la sœur Hélène ont été au niveau de leur tâche. Celles de la sœur Honorée, bien diminuées par ses quatre vingt ans, ne sont pas, hélas ! Suffisantes pour résister à une fluxion de poitrine et les nouvelles de ce soir sont bien mauvaises. Il est peu vraisemblable qu’elle passe la journée de demain. Ce sera une grosse perte pour le Bourg d’Iré, et une perte sentie, je crois.

M. de Falloux me charge de vous dire, et par vous à Monsieur et Madame de Castellane1 et à Boni2, combien il a été touché des trois lettres qu’il a reçues aujourd’hui. Ce sont là de bien douces consolations dans sa cruelle solitude ; aussi avec quelle vivacité d’affectueuse reconnaissance en remercie-t-il les trois auteurs !

Nous avons été bien péniblement impressionnés par la mort du comte Conestabile. M. de Falloux regrette de l’avoir connu. Que va maintenant devenir le Journal de Rome3 ? Probablement ou disparaître avec son principal rédacteur, ou devenir la chose des gens de L’univers qui ont déjà un pied et la moitié de l’autre dans les bureaux de la rédaction. Je vais écrire tout-à-l’heure au Commandeur Rossi4 et lui demander des détails sur les derniers moments de ce pauvre Comte Conestabile ; je ne doute pas, s’ils sont intéressants que M. de Falloux ne vous les communique.

Ce ne sera probablement pas ma plume qui aura l’honneur de vous les transmettre, car je suis appelé dans ma famille par la santé de mon père, qui, depuis longtemps déjà, laisse à désirer. M. Pasquier5 a eu la bonté de m’envoyer un remplaçant pour quelques jours, un élève de la Faculté des Lettres. Il est déjà arrivé au Bourg d’Iré et je pars après-demain.

Quand aurais-je le plaisir de revoir Rochecotte avec M. de Falloux ? Veuillez ne pas douter de toute la satisfaction que j’en éprouverai, pas plus, Madame, que de mes sentiments et de mes vœux les plus respectueusement dévoués.

 

Jérome Penaud

1Antoine de Castellane et son épouse Madeleine.

2Castellane, Boniface de (1867-1932), dit « Boni », fils d’Antoine et de Madeleine de Castellane, petit-fils de Pauline de Castellane.

3Le comte Conestabile était le fondateur du journal.

4Rossi, Alessandro (1818-1898), industriel et homme politique italien. Monarchiste et catholique, il fut élu député en 1866 puis sénateur quatre ans plus tard.

5Edme Armand Gaston, duc d'Audiffret-Pasquier (1823-1905), homme politique français. Auditeur du conseil d’État de 1845 à 1848. Membre du Conseil d'administration des mines d'Anzin. Il devient député de l'Orne en 1871. Inscrit au centre-droit, il contribua à la chute de Thiers. Favorable à la fusion et à la restauration d'une monarchie constitutionnelle, il se résigna, en raison de l'attitude intransigeant du comte de Chambord au vote de la loi du septennat et contribua à la chute du ministère Broglie. Partisan d'une conciliation avec le centre-gauche, il est élu à la présidence de l'Assemblée nationale le 15 mars 1875 et neuf mois plus tard il est élu sénateur inamovible. Il sera élu à l'Académie française le 24 décembre 1878 au fauteuil de Mgr Dupanloup.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 janvier 1882», correspondance-falloux [En ligne], 1882, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 31/12/2018