CECI n'est pas EXECUTE Août 1881

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Août 1881

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

[Août]1 1881*

 

 

Chère Madame,

Me voici à Vimes2 chez les Mackau qui me prodiguent une hospitalité si contagieuse que j’y ai trouvé un très aimable auxiliaire pour mes pauvres yeux ce qui me permet de vous dire que je n’ai point encore reçu de lettres m’annonçant votre arrivée et votre repos complet à Rochecotte. Je vous ai écrit de Broglie que je n’acceptais point la très aimable invitation d’Armand de Maillé3 pour représenter avec un autre compagnon le comité monarchique de Maine-et-Loire à Paris, mais avant de partir j’ai pris toutes mes précautions pour que le duc de Broglie qui sera très exact au rendez-vous général connaisse bien les affaires de Touraine et les fasse pencher du bon côté s’il en était besoin. Il est parti avec Lavedan devant voyager avec lui jusqu’à Bernay où il était attendu par quelques électeurs4 et Lavedan très plein de son sujet aura certainement profité, soyez en sûre, du privilège du tête à tête durant plus d’une heure. Je me plais à vous rassurer de ce côté, chère Madame, non pas je vous l’avoue que je craigne d’être mal reçu à Rochecotte, mais pour que vous sachiez bien avant mon arrivée que rien de ce qui intéresse la moindre paroisse et l’archevêché de Tours ne me trouvera indifférent et que j’aurai concilié beaucoup plus que j’en aurai l’air vos deux désirs très différents : le vôtre qui est de faire triompher le bon sens et le bon droit en Touraine aux élections prochaines, le mien qui est de me mêler le moins activement possible aux intérêts que je ne représente pas plus que sa vieille machine de Marly ne représente aujourd’hui l’abondance des eaux à Versailles. Le duc de Broglie me disait dans une promenade sous un ombrage magnifique. Je vous comprends très bien et je vous approuve parfaitement ; il est bien naturel, quand on ne s’assoit plus à table qu’on aime plus à passer par la cuisine. Veuillez donc me pardonner de vous désobéir ce qui m’arrive bien rarement, chère Madame, en étant bien sur que j’ai fait d’avance des efforts les plus consciencieux pour que la Touraine et vous n’y perdissiez rien.

Je vais quitter Vimes en m’arrêtant à Avranches pour célébrer l’assomption et les souvenirs du savant Huet5 célèbre évêque du temps de Louis XIV dont Madame de Sévigné parle d’une façon charmante. J’irai au pied du Mont St Michel chez Madame de Guitton6 qui a été un instant votre voisine à Giseux7 au moment du mariage de Monsieur de Canisy. De là je m’arrêterai 24 heures pour voir Madame de Menou8 sœur de Guitton qui vit dans un beau château à la porte de Rennes, puis je me rendrai à la porte de Vitré chez les Kermier que je ne puis trouver à Caradeuc dans ce moment-ci, mais que cependant je veux revoir chez eux parce qu’ils m’inspirent un cordial intérêt auquel vous voulez bien vous associer. De chez les Kermier j’irai chez les Blois9 puis enfin à Rochecotte vers la fin d’août ce qui me donnera encore quelques jours à passer près de vous tous avant le coup de feu électoral coup de feu qui je crois sera rude dans l’Eure beaucoup plus adouci dans l’Orne et moindre encore en Anjou où je crois que la défection de l’évêque sera très peu suivie. Au revoir donc bien prochain je l’espère, chère Madame.

A. de F.

 

 

1Lettre non datée mais Falloux parle ici des élections législatives à venir du 21 août- 4 septembre 1881. Par ailleurs, il est chez les Blois en août 1881 d’où il écrira une lettre à l’abbé Couvreux le 15 août 1881..

2Vimes, commune du département de la Somme.

3Maillé, Armand Urbain Louis de La Jumellière de (1816-1903), député monarchiste de la circonscription de Cholet depuis 1871, il conservera son siège jusqu'en 1896, siégeant constamment avec l'Union des Droites.

4Albert de Broglie s’était porté candidat au scrutin législatif dans la circonscription de Bernay (Eure).

5Huet, Pierre Daniel (1630-1721), ordonné prêtre en 1676, il sera nommé évêque d’Avranches en 1689. Philosophe et théologien, il entra à l’Académie française et fonda l’académie de physique de Caen, sa ville d’origine.

6Sans doute Pauline-Etiennette de Carbonnel de Guitton, née de Canisy (1804-1895).

7Giseux, commune d’Indre-et-Loire.

8Elise de Menou, née Guitton de La Villeberge (1831-1913).

9Blois Georges Aymar, comte de (1849-1906) neveu de Falloux, propriétaire du château de Huillé (Maine-et-Loire). Maire de Daumeray (Maine-et-Loire) en 1888 puis conseiller général du canton de Durtal (Maine-et-Loire), il fut élu sénateur du Maine-et-Loire en 1895. Réélu en 1897 puis en 1906, il prit place au groupe de la droite monarchiste. Propriétaire d'un domaine agricole, ayant hérité de son oncle Falloux, les célèbres étables du Bourg d'Iré, il intervint dans la plupart des débats agricoles. Il publia les Mémoires d 'un royaliste de son oncle peu après son décès.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Août 1881», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République, 1881, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 04/01/2019