CECI n'est pas EXECUTE 29 juillet 1882

1882 |

29 juillet 1882

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

Le 29 juillet 1882*

Chère Madame,

Je me félicite doublement de vous voir revenir directement à Rochecotte, d’abord parce que cela vous causera beaucoup moins de fatigue, ensuite parce que je pourrai peut-être vous voir à votre débarqué [sic], avant de prendre la route de Pérignon1, sans préjudice du retour. Je regrette Juigné2 pour vous et il vous regrettera, mais tout le monde doit s’incliner devant vos souffrances si prolongées et si aiguës.

La princesse Wittgenstein m’a très aimablement envoyé la lettre même du Père Balabin3, donnant tous les détails sur la mort du Père Gagarin. Elle ajoute que M. de Blacas4 lui a parlé de mes deux volumes en termes très modérés. Puisse-t-il en cela du moins être l’écho de son auguste maître5 dont l’extrême droite elle-même se montre de plus en plus fatiguée.

A mesure que la République se décolle, la monarchie tend à se recoller et j’ai trouvé le mot abdication sur des lèvres où je ne l’attendais pas. En même temps on me citait de source très sûre cette réponse d’un républicain très avancé : « Nous ne sommes pas encore orléanistes mais nous sommes tous orléanisables. » En attendant je vais tout à l’heure remercier l’excellente princesse, et si vous a voyez avant de partir, veuillez lui dire combien je suis touché de sa bonté.

La pauvre petite Marguerite de Blois6 était née très bien constituée et a vécu environ 15 jours puis elle a été emportée en 48 heures par un érysipèle avec fièvre inflammatoire.

Mon frère7 est à Tivoli, satisfait des bains et n’annonçant aucun projet vers la France pour cette année.

Qui est-ce qui a pu se mettre à la tête d’une école de filles à St Patrice8 contre les Religieuses? Je croyais votre maire paisible et votre population économe. Comment se sont-ils décidés pour une telle brèche à la paix et à la bourse.

Je crois que le pauvre Cacqueray9 se relève, car si les nouvelles étaient très mauvaises elles seraient arrivées à ce pays-ci par Salmonière10 et qui que ce soit ne m’en a parlé.

Est-ce que le marquis Costa11 a été pris dans la déroute Bontoux12? J’en serais désolé à tous les points de vue car rien de ce qui touche ce cher nom de Costa ne peut m’être indifférent.

J’offre mille actions de grâce à la princesse Czartoryska13, surtout si c’est de Pologne qu’elle vous écrit. Quel degré de chaleur interne il faut porter en soi pour en conserver encore si loin et sous ce climat !

Veuillez, si vous ne lui avez pas déjà répondu, faire parler ma reconnaissance mieux que je ne le fais ici.

J’attends maintenant vos dates avec bien de l’impatience pour y conformer les miennes, si cela n’est pas absolument impossible. Quelle consolation ce serait pour moi, car, croyez-le bien, M. le chanoine Couvreux et vous, j’ai beaucoup, mais beaucoup regretté Evian !

A. de F.

 

 

 

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane

1Château de Pérignon, par Finhan, dans le Tarn-et-Garonne, domaine de la famille Pérignon.

2Château de Juigné, à Juigné-sur-Sarthe (Sarthe). C'est la propriété des Leclerc de Juigné auxquels les Castellane sont alliés par le mariage de leur fille Madeleine (1847-1934) avec Antoine de Castellane.

3Еvgenij Вalabin (1815-1895), fils d’un général russe.

4Blacas d'Aulps, Stanislas Pierre Joseph Yves Marie de, comte de Blacas (1818-1887), homme politique. Il est le représentant du comte de Chambord en France.

6Marie Marguerite Augier de Crémiers (1852-1882), épouse de Georges-Aymar de Blois de La Calande, neveu de Falloux.

8Commune d’Indre-et-Loire où se situe le château de Rochecotte, demeure de Pauline de Castellane.

9Charles de Cacqueray (1830-1894), propriétaire du château de La Salle, à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire).

10Charles Goguet de la Salmonière (1804-1883), propriétaire foncier, demeurant en son château de Dieusie sur la commune de Sainte -Gemmes d'Andigné, en Maine-et-Loire.

11Costa de Beauregard Marie Charles Albert (1835-1909), historien et homme politique. Légitimiste et catholique, il avait été élu député de Savoie en 1871. Ayant refusé de se représenter en 1876, il se retira de la politique pour se consacrer à l'histoire de la Savoie et de la monarchie publiant plusieurs ouvrages, en particulier sur le roi Charles-Albert.

12Paul Eugène Bontoux (1820-1904), industriel, banquier et homme politique. Monarchiste et catholique, il avait fondé , en 1878 une banque catholique, L'Union générale, qui suite à de multiples opérations de spéculation s'était effondrée en janvier 1882 entraînant avec elle la faillite de plusieurs agents de change de la Bourse de Lyon puis de la Bourse de Paris.

13Marcelline Czartoryska (1817-1894), née Radziwill, épouse du prince Alexandre Czartoryski. 

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 juillet 1882», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1882,mis à jour le : 13/01/2019