CECI n'est pas EXECUTE 8 juillet 1882

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8 juillet 1882

Alfred de Falloux à l'abbé Couvreux

8 juillet 1882*

Cher Monsieur l’abbé,

Madeleine1 vous a donné hier les nouvelles datées du Bourg d’Iré et de son cimetière ne me laissant rien à ajouter de ce côté, mais ce qu’elle ne vous aura pas dit, c’est sa parfaite bonne grâce pour mes cousins bretons2 qui sont partis enchantés d’elle et émerveillés des enfants. Rien n’est plus juste que ces deux sentiments et je m’y unis tout à fait. Boni3 a très bonne mine et il ne lui manque plus que de grandir ; j’en parais en être mieux rétabli et, s’il voulait ses yeux pourraient le dispenser de parler. Quant à Biche4, toute la maison se le disputait et depuis son départ on ne s’entretient et on ne m’entretient que de lui. J’ai cherché à avoir quelques tête-à-tête avec Antoine de Castellane], mais je crois qu’il n’avait pas la même préoccupation, ce à quoi ont beaucoup gagné les d’Armaillé5 et les Candé6.

Madeleine doute encore un peu de son voyage à Évian, bien qu’ils l’annoncent en termes formels. Elle croirait davantage à d’autres eaux et à une excursion en Suisse. En tout cas, elle fait des efforts très persévérants et très dévoués en union avec vos propres vœux et les miens.

La santé de Madame du Castellane me paraît profiter bien lentement d’Evian. On avait reçu à Juigné7 un télégramme meilleur que votre lettre, mais cela ne m’empêche pas d’en attendre une autre avec bien de l’impatience, en me recommandant instamment à votre bonté et à celle de Melle Dubois.

j’ai été absolument content des Kernier8 et de leurs enfants. Ils ont été très délicats et il n’aurait tenu qu’à moi de leur faire une situation moins bonne, mais j’ai maintenu mes intentions premières et ils vont aller passer toutes les vacances à Caradeuc, ceux qui mettent une vraie consolation parce que je suis sûr que ce sera un grand plaisir pour les trois chères âmes qui vont y veiller sur eux.

J’ai reçu hier un petit mot charmant de la main même du nonce9, en réponse à ma lettre d’adieu. Il assure qu’il espère me revoir à Paris, sa santé ne lui permettant pas de partir tout de suite pour Rome. Cela est fort en contradiction avec ce que disent les journaux ; vous en conjecturerez ce que vous voudrez.

Mes deux volumes continuent10 à faire leur chemin. L’évêque de Nancy11 écrit que sa Semaine religieuse va en parler ; c’est le premier qui ait cette hardiesse. Le cardinal de Bordeaux12 m’écrit « mes 87 ans ont tressaillit à cette lecture ! »

Comment l’abbé Bernard13 se trouve-t-il dans un presbytère ? Essaiera-t-il d’envoyer quelques lignes à la Semaine religieuse de Paris. Je serai également curieux de savoir s’il y sera accueilli aussi lui sera refusée. Ce dont je suis curieux par-dessus tout cher Monsieur l’abbé c’est d’apprendre que Madame de Castellane et vous êtes tous deux contents de vous-même !

N’encouragez-vous pas l’abbé Lagrange à continuer son œuvre sans tenir compte d’aucune prohibition ?

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; elle était, depuis le 3 avril 1866, l'épouse d'Antoine de Castellane.

2Paul Le Cardinal, marquis de Kernier (1836-1888) et à son épouse, Gabrielle Hay des Nétumières (1835-1920) descendant de La Chalotais. Falloux venait d eleur faire don du château de Caradeuc dont il avait hérité à la mort de sa belle-mère Emilie de Caradeuc.

3Boniface dit Boni de Castellane (1867-1932), son petit-fils, le fils d'Antoine de Castellane.

4Castellane, Stanislas de (1875-1959), dit « Biche », petit-fils de Pauline de Castellane.

5Armaillé Louis de la Forest, comte d' (1822-1882), propriétaire foncier demeurant au château de La Douve, au Bourg d'Iré. Marié le 17 mars 1851 avec Célestine Marie Amélie, née de Ségur de Ponchapt (1830-1918).

6Paul Brillet de Candé (1837-1913) et son épouse Claire Brillet de Candé, née de Mieulle (1844-1886).

7Château de Juigné, à Juigné-sur-Sarthe (Sarthe). C'est la propriété des Leclerc de Juigné auxquels les Castellane sont alliés par le mariage de leur fille Madeleine (1847-1934) avec Antoine de Castellane.

8Falloux venait de faire don du château de Caradeuc à Paul Le Cardinal, marquis de Kernier (1836-1888) et à son épouse, Gabrielle Hay des Nétumières (1835-1920) descendant de La Chalotais.

9Czacki Włodzimierz, Mgr (1835-1888). Nommé par Léon XIII à la nonciature de Paris, il fut chargé d'appliquer la nouvelle politique du Saint-Siège et en particulier de convaincre les catholiques de ne plus lier leur intérêts à la cause royaliste et d'accepter les nouvelles institutions que la France s'était données. Secrétaire de la Congrégation des Études de 1875 à 1877, secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires de 1877 à 1879, nonce à Paris en 1879, cardinal en 1882.

10Falloux venait de publier Discours et mélanges politiques, Paris, Plon, 1882.

11Mgr Turinaz, Charles, François (1838-1918), évêque de Moutiers-Tarentaise depuis 1873, il sera nommé évêque de Nancy le 23 mars 1882.

12Mgr Donnet, Ferdinand François Auguste (1795-1882), ordonné prêtre en 1819, il avait été sacré le 30 mai 1835 en qualité d’évêque de Rosa in partibus comme coadjuteur de l’évêque de Nancy et de Toul en 1835. Promu archevêque de Bordeaux le 30 novembre 1837 il sera nommé cardinal au titre de Santa Maria in Via au consistoire de 15 mars 1852.

13Bernard Eugène (1833-1893), ecclésiastique. Pressenti pour entrer au Correspondant, sa candidature avait finalement été rejeté.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «8 juillet 1882», correspondance-falloux [En ligne], CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République, 1882,mis à jour le : 20/01/2020