CECI n'est pas EXECUTE 1er octobre 1879

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1er octobre 1879

Alfred de Falloux à l'abbé Couvreux

1er octobre 1879*

 

 

Cher Monsieur l’abbé, je viens d’admirer encore une fois dans la Gazette et dans ceux qui me l’envoient à quel point l’esprit de parti fait oublier ou perdre le sens moral ! Un prince peut mentir, trahir, insulter, pousser son pays aux dernières catastrophes, en le tenant soigneusement à l’abri derrière la frontière, il faut encenser tout cela. Je mourrais sans avoir eu la consolation d’entendre partir du sein de cette malheureuse aristocratie française un cri, un seul cri de fierté ou de simple probité. c’est la volonté de Dieu ; ainsi soit-il ! Contre le surnaturel l’homme ne peut rien il n’y a pas de plus grand témoignage du surnaturel que de voir un vaste salon jaune, tous remplis de vertus, s’évertuer inexorablement dans les déclamations et dans les calomnies les plus extravagantes. Aussi pour bien prouver que je ne lutte plus contre ce tourbillon à la derviche, je renvoie respectueusement la Gazette au lieu de l’anéantir à jamais. J’ai joint un Univers, dans lequel j’ai marqué deux passages dignes d’être lu à genoux, après avoir fait le signe de la croix, l’un à la première page qui résume, en termes admirables, le symbole politique qui renferme notre salut, l’autre à la seconde page démontrant par des faits précis quelle horreur doivent inspirer les princes qui veulent encore garder une épée ou verser leur sang au service de la France ; veuillez mettre cet Univers dans la collection de Rochecotte, à côté du numéro de la Gazette. Pour moi, je n’ai pas besoin de le revoir pour en conserver un pur souvenir.

Madame de Lamoricière1 s’annonce pour tantôt, mais ma lettre sera partie. Si elle a obtenu quelque chose à Nantes d’où elle arrive, je l’écrirai demain. Si Madame de Castellane veut bien transmettre aussi à Monsieur le prince de Chalais2, aussi éprouvé qu’admirable, ma bien sincère condoléance, j’en serais très reconnaissant. Les trois médecins sont venus, moitié demandés, moitié par hasard, ils n’ont ni tué ni guéri personne.

P-S. M. Penaud3 vous prie d’agréer l’expression de sa reconnaissance et son profond respect.

 

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Marie Amélie, née d'Auberville (1827-1905), veuve du général Juchault de Lamoricière. Elle possède un domaine au Louroux-Béconnais, une commune du Maine-et-Loire.

2De Talleyrand-Périgord, Charles, Hélie (1809-1883), prince de Chalais.

3Secrétaire de Falloux.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1er octobre 1879», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1879,mis à jour le : 24/03/2019