1884 |
3 avril 1884
Alfred de Falloux à Pauline de Castellane
3 avril 1884*
Chère Madame,
J’ai reçu hier la bonne nouvelle de la semaine de Pâques attendant Boni1 et Jean2 à Rochecotte et de mon côté je ne vois aucune bonne raison de changer de projet. Vous pouvez donc toujours compter sur moi pour le lundi de Pâques à dîner sauf obstacle de plus en plus imprécis.
M. Joubert3, M. Blavier4 et M. Bigot5 ont été la semaine dernière à l’évêché pour les élections municipales. Leur intermédiaire6 a répondu comme à M. de Maillé7, avec la plus hautaine extravagance : « Je vous honore parfaitement comme individus, mais à titre de comité, je ne vous reconnais pas et ne vous reconnaîtrai jamais, avant que vous ayez fait ce que vous auriez dû faire tout d’abord, c’est à dire réintégrer l’ancien comité royaliste dans toute son intégrité, avec le vénérable Cte Ch. de Quatrebarbes8 pour vice-président acceptant d’eux les adjonctions que j’en suis convaincu, ils ne manqueront pas de vous accorder. » Ces messieurs prétendent lui avoir très vigoureusement répondu, mais cela ne m’a pas paru ressortir pleinement de leur récit. » Quant à l’élection de Beaupréau9, il y a là un exemple d’indiscipline fort regrettable. Cependant, je reconnais que de notre côté, dans cette affaire, nous avons un tort. Nous aurions dû préalablement nous entendre avec le château de Beaupréau. Les mots qui suivent prouvent que la leçon a porté beaucoup plus qu’il n’a voulu en convenir. » Quant aux élections municipales d’Angers, non seulement je ne veux pas me mêler à vous, mais je compte m’en désintéresser absolument, y compris M. Hervé-Bazin10, rédacteur de L’Anjou et conseiller sortant. Angers est une ville exceptionnellement bien traitée et je dois en tenir compte. On me laisse mes processions, on me laisse mes écoles municipales tenues par les frères. Je ne puis donc m’engager dans aucune lutte politiques ». Il n’a nullement paru se souvenir que tout cela était vrai depuis cinq ans ni de ses batailles et de ses procès-verbaux contre le conseil municipal lui-même ni de sa circulaire aux curés à propos du 14 juillet. Les 3 interlocuteurs ne le lui ont point fait observer tenant pour excellente cette promesse de désintéressement absolu. Dieu veuille qu’elle soit tenue . Quand attendez-vous Mgr Meignan à Tours ou à Rochecotte ? Je tiendrai beaucoup à le voir et à me sentir sûr que vous en serez contents à Rochecotte. Le vieux M. de la Barre11, beau-père de Cumont12, âgé de 87 ans vient de faire une complète soumission à l’Église par les soins de la marquise de Talhouët13, ancienne amie de La Flèche et par l’entremise du Père de Gabriac14 qui prêchait une retraite à Angers.
A. de F.
*Archives du Maine-et-Loire.
1Boniface dit Boni de Castellane (1867-1932), le fils d'Antoine de Castellane.
3Joubert André (1847-1891), collaborateur du Correspondant de 1869 à 1880 et de plusieurs revues d'Anjou.
4Blavier Aimé Étienne (1827-1896), ingénieur et homme politique. Conservateur (orléaniste), maire d'Angers de 1874 à 1876, il fut élu au sénat le 24 janvier 1884 lors de l'élection partielle consécutive au décès d'A. Joubert-Bonnaire, sénateur du Maine-et-Loire, était candidat à sa réélection aux élections sénatoriales du 5 janvier 1885. Réélu, il continuera de siéger avec les conservateurs monarchistes.
5Elie Bigot, fondateur, en 1848 du Comptoir d’Escompte d’Angers avec Laurent Bougère.
7Maillé, Armand Urbain Louis de La Jumellière de (1816-1903), député monarchiste de la circonscription de Cholet depuis 1871, il conservera son siège jusqu'en 1896, siégeant constamment avec l'Union des Droites.
8Quatrebarbes, Charles de (1824-1893), légitimiste ardent.
9Il s’agissait de trouver un successeur à Durfort de Civrac, maire et conseiller général de Beaupréau, décédé le 21 février 1884.
10Bazin, Ferdinand Jacques Hervé (1846-1889), né Ferdinand-Jacques Hervé, il avait ajouté à son nom celui de son épouse Marie Claire Bazin. Il était le grand-père de l'écrivain Hervé Bazin (1911-1996).
11Garreau de Labarre, Louis Jacques Aimé Frédéric (1796-1889), conseiller honoraire à la Cour d’Appel d’Angers.
12Cumont avait épousé Marie-Céleste Garreau de Labarre en 1854.
13Talhouët, Auguste, Elizabeth Joseph Bonamour de, marquis (1819-1884), homme politique. Député de la Sarthe à l'Assemblée législative de 1849, réélu par ce même département au Corps législatif de 1852 à 1870, il devint ministre des travaux publics dans le ministère Ollivier, il fut élu par la Sarthe à l'Assemblée nationale où il siégea à droite.
14Alexandre de Cadoine de Gabriac (1827-1898), jésuite et littérateur.
