CECI n'est pas EXECUTE 14 septembre 1884

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14 septembre 1884

Alfred de Falloux à Pauline de Castellane

14 septembre 1884

Chère Madame,

 

En définitive que voulez-vous ? Que je n’aille pas en Italie par le choléra et surtout par les quarantaines ? Soyez tranquilles, je n’irai pas. Que j’y aille aussitôt que le choléra et la quarantaine seront passés ? Je vous ai dit que c’était mon intention la plus formelle et je tiendrai parole dès que la route ne sera plus barrée. Que je trouve Léon XIII un grand pape et une lettre de chancellerie, un billet doux ? Cela, je ne puis vous l’accorder et pour vous prouver que je ne suis pas seul de mon avis comme vous semblez le donner à entendre, je vous envoie ci inclus un Dix-neuvième siècle1 qu’on vient de m’envoyer de Paris. Méditez bien le premier article et surtout les dernières lignes de la dernière colonne. C’est la vérité même, jusqu’à l’évidence. Je ne retranche de cet article que le dernier mot, fin diplomate. Léon XIII est à peine un diplomate de troisième ordre. Quand à fin, il est impossible de l’être moins. Vous direz que je n’aime pas Léon XIII. C’est très vrai, mais en vérité je ne m’y crois pas obligé, il me suffit de lui obéir de près, quant aux sentiments, de loin, quant aux personnes. Il a pour défaut favori un des traits qui me sont le plus antipathique. Je vous dirai de vive voix tout ce que j’en pense avec pièces à l’appui.

En attendant, je reviens sur l’épithète de fin diplomate que je lui dispute. Un fin diplomate est celui qui fait sortir d’un grand état de guerre un heureux état de paix, le prince de Talleyrand2, par exemple en 1814. La lettre de Léon XIII à l’évêque de Périgueux est tout le contraire de la finesse, puisqu’il n’a même pas l’air de répondre quelque chose. Il y a précisément deux syllabus sur lesquels on se dispute et c’est précisément entre les deux qu’il refuse de se prononcer. Le compromettre personnellement sans avoir la chance d’obtenir aucun résultat, c’est le comble de la maladresse !

Dites bien au chère Biche que je suis beaucoup plus occupé de ses nouvelles que j’en ai l’air. J’avais espéré que sa fièvre serait tout à fait passagère comme toute fièvre de croissance dont il faut plutôt se féliciter que se plaindre. Du moment où elle persiste je lui envoie mille condoléances et mille demandes de ses nouvelles. Veuillez me renvoyer le XIXe Siècle3 aussitôt que M. l’abbé Couvreux et vous l’aurez lu.

 

A. de F.

 

*Archives de Maine-et-Loire.

 

1XIXe Siècle, journal de tendance républicaine et anticléricale fondé en 1871.

2Charles-Maurice de Talleyrand (1754-1838).

3Voir note supra.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 septembre 1884», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1884,mis à jour le : 24/01/2020