CECI n'est pas EXECUTE 12 avril 1882

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12 avril 1882

Ferdinand Roze à Alfred de Falloux

Paris, 12 avril 1882

Monsieur le comte, c’était pour moi une bien vive satisfaction de revenir à temps pour le voir et je ne me serais pas consolé de penser que vous étiez venus à Paris sans que nous pussions nous y rencontrer. Je me réjouis en songeant que vous reprendrez bientôt le chemin de Paris et que cette fois, l’Auvergne me laissera tranquille et me permettra d’être tout à vous.

Elle me trouble un peu, l’Auvergne ! Figurez-vous que le conseil d’État vient d’annuler les dernières élections municipales de ma commune1 qui remonte déjà à 14 mois et j’ai été très légèrement sollicité de me présenter au suffrage de nos bons paysans. J’ai fort hésité pour plusieurs raisons : d’abord je ne connais pas grand-chose aux intérêts de la commune ; je ne suis allé jusqu’ici en Auvergne que pour y passer des vacances et je ne songeais qu’à m’y juge reposer. En second lieu, il fallait me porter sur la liste d’un voisin à nous, le vicomte du Maisniel2, fort aimable homme, mais que je soupçonne d’un légitimisme extrême droite, bien que je n’ai jamais causé ouvertement politique avec lui. En troisième lieu (vous voyez que je ne manquais pas de motifs), j’aime à remplir consciencieusement les fonctions dont je me charge et je ne puis me dissimuler que je serai très souvent absent, au moment où se tiennent les sessions. Ai-je terminé ? Je crois que ; toujours est-il que J’ai subi un assaut en règle, on a bien voulu me dire que j’étais indispensable pour assurer le succès de la liste, que le parti actuellement au pouvoir compromettait les intérêts de la commune ; enfin, toutes les bonnes raisons qu’on donne ce cas là. Je me suis rappelé vos pages sur l’abstention et c’est vous, en dernier ressort qui a votre insu, avait vaincu ma répugnance. Notre liste se composera de M. de Maisniel et d’un autre de nos voisins M. de Chapelle3 qui lui, me paraît très modéré et très raisonnable dans son légitimisme et enfin de cultivateurs. Il a été entendu que nous nous placions uniquement sur le terrain des libertés nécessaires et j’ai pensé que dans ces conditions, je pourrais accepter. Mon désir eut été de faire une liste de conciliation, mais cela est impossible À cause des élections sénatoriales. Notre sénateur habite la commune ; c’est un monsieur Salneuve4, pas méchant homme personnellement, mais votant aussi mal que possible, mouton qui hurle avec les loups. Vous concevez aisément qu’il tient à avoir sa majorité ; ce qui rend pour le moment tout entente impossible. Les élections ont lieu dimanche prochain ; j’en ai été informé hier.

Tous ces pourparlers ont commencé pendant mon séjour en Auvergne et je vous en aurais entretenu si j’avais pu vous voir plus longtemps et… il faut l’avouer, si le soin de notre travail ne m’avait fait oublier ma pauvre commune.

J’aurais voulu avoir votre avis avant de donner mon oui, mais j’avais trop peu de temps devant moi pour vous consulter. J’espère que vous m’approuverez.

C’est bien peu de choses qu’une élection conseil municipale ; mais j’ai eu cependant besoin de faire un effort sur moi-même pour me décider. J’ai eu besoin de me répéter que c’était un devoir et ne pouvant vous demander un conseil, j’ai du moins pris avis de tout ce que nous réimprimons en ce moment. Je vous le dis encore, ce sont vos pages sur l’abstention qui ont vaincu ma répugnance, bien plus que tous les raisonnements que j’ai dû écouter.

C’est que je le confesse à ma honte, je ne me sens pas fait du tout pour la politique. Les études silencieuses du cabinet me plaisent infiniment davantage et les compétitions électorales ne me séduisent pas…Mais me semblerait-il pas que je vous parle d’une élection législative ? Pauvre et humble municipalité de Vensat, quelle importance je lui donne ! Cela vous prouvera du moins à quel point j’ai pris la chose au sérieux.

Venons à notre travail5. Je ne savais pas que vous puissiez rayer les deux dernières lignes de l’introduction à l’Itinéraire : la vérité de la convention etc. Nous sommes à temps de le faire et je vais réparer cette erreur par un mot à l’infatigable M. Jardry.

J’ai fait la même réflexion que vous à propos de la lettre à la Gazette6 et j’ai demandé, sur le placard une ligne de points au début. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de rétablir : cher ancien collègue parce que, si je ne me trompe, la fin de l’enquête dit : Monsieur de Falloux adresse un de ses anciens collègues la lettre suivante (je n’ai pas le placard sous les yeux, je l’ai remis hier à M. Jardry, je vais aller le consulter et nous prendrons une décision ensemble puisque vous voulez bien vous en rapporter à nous). De même pour la signature.

Que je suis heureux, Monsieur le comte, de pouvoir vous dire à bientôt ! J’ai été bien satisfait d’apprendre que la santé de Mme de Caradeuc7 vous inspirait moins d’inquiétude et j’espère que les beaux jours aidant, le mieux se maintiendra et s’accentuera.

Mon père est très touché de votre aimable souvenir et me prie de vous transmettre l’expression de ses sentiments les plus distingués. Veuillez, Monsieur le comte, agréer l’assurance de mon respectueux et profond dévouement.

F. Roze

Mes bonnes amitiés à M. Penaud8.

Je complète ma lettre chez M. Jardry. Nous supprimerons sur l’épreuve qui sera remise probablement ce soir à M. Jardry, les deux dernières lignes de l’introduction l’Itinéraire : la vérité de la convention est là etc.

Quant à la lettre, nous avons pensé qu’il était préférable de supprimer les dates, Bourg d’Iré le 8 nov. 1867 et de débuter après une ligne de points. De même nous supprimerons la signature et nous terminerons par : agréez etc.

 

M. Jardry me dit que M. de Rességuier a un peu modifié le début pour qu’il fut moins brusque. Il propose de supprimer : agréer etc. et de terminer comme nous débutons par une ligne de points. M. Jardry m’assure que vous avez le temps, sans occasionner le moindre retard, de donner votre avis sur ce point.

1Vensat, commune du Maine-et-Loire.

2Maisniel, Louis Joseph Anatole (1811-1894), propriétaire du château de Villemont à Vesant, commune du Puy-de-Dôme.

3?

4Salneuve, Mathieu (1815-1889), magistrat et homme politique. Élu représentant du Puy-de-Dôme lors des élections complémentaires du 2 juillet 1871, il siégea avec la Gauche républicaine. Élu sénateur du Puy de Dôme de 1876 à 1889, il siégea à gauche.

5F. Roze et A. de Rességuier assistés de Jardry collaboraient à l’édition d’un ouvrage de Falloux rassemblant certains de ses discours et articles qui allait paraître sous le titre de Discours et mélanges politiques, Paris, Plon, 1882.

6Gazette de France, périodique légitimiste.

7Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), belle-mère de Falloux, elle est alors très malade.

8Secrétaire de Falloux.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 avril 1882», correspondance-falloux [En ligne], 1882, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 12/11/2020