CECI n'est pas EXECUTE 14 septembre 1884

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14 septembre 1884

Emmanuel de Quinsonas à Alfred de Falloux

 

Chanay1, 14 septembre 1884

 

Monsieur le comte,

Le jeudi 31 juillet en revenant le soir à Évian2 et tout triste de vous avoir perdu, je trouvais une lettre de la chère Anne3, mais si remarquablement bonne et aimante, et pleine de tendresse que dans mon enthousiasme d’heureux beau-père, je n’ai pu résister à la tentation de vous l’envoyer le soir même poste restante à Lucerne où vous me disiez vous rendre le lendemain. Je pensais donc que la vive expression de mes regrets et mes remerciements y arriveraient en même temps que vous, ayant porté moi-même la missive à la poste infidèle paraît-il. C’est donc la prose charmante de ma chère belle-fille que son excellence le citoyen Cochery4 aura fait passer au cabinet noir ! Et n’aura plus osé vous renvoyer honteux d’avoir cru y trouver et saisir les traces d’un complot clérical ?

Ce sont alors les pages sémillantes et si pleines d’affection et de cœur de cette bonne Anne que vous perdîtes, attendu que je vous les adressais pour que vous puissiez la juger et l’étudier ainsi indirectement, et comme qui dirait en lisant par-dessus le mur de la vie privée, avant de la recevoir et de l’héberger sous le toit hospitalier du Bourg d’Iré.

Et veuillez croire que sans cette pensée, je n’aurais pas osé vous relancer. Ne me trahissez pas, car elle me reprochera cette indiscrétion ! Et Mettez à l’avenir une sourdine à sa plume qu’elle manie aussi bien que sa mère, et certes ce n’est pas peu dire étant à bonne école.

Qu’avez-vous dit de l’article aigre du Monde et du Journal de Genève ? Après la noce de Lonsonne5 j’ai accompagné à Fribourg Mg Mermillod6 et après la réunion du Piuswerein7, j’ai rompu bien des lances avec lui en votre faveur. Il prétend que le fameux 3ème volume ne tardera pas à être totalement démoli ?

Agréez, Monsieur le comte, avec mes nouveaux remerciements pour l’assurance du bien respectueux dévouement de votre très humble et obéissant serviteur.

 

 

Emmanuel de Quinsonas

1Propriété des Quinsonas en Belgique.

2Falloux était allé rejoindre Mme de Castellane aux thermes d’Evian.

3Anne de Quinsonnas (1860-1891), née de Mackau, elle avait épousé Humbert de Quinsonas, fils d’Emmanuel de Quinsonas.

4Cochery Adolphe (1819-1900), avocat et homme politique français. Fondateur du journal L'Indépendant de Montargis, il se dévoua durant tout le Second Empire au journalisme. Nommé, le Ier mars 1878, directeur du service des Postes et Télégraphes au sein du sous-secrétariat d’État aux Finances, il fut le premier détenteur du ministère des Postes et Télégraphes créé le 5 février 1879 et occupa ce poste jusqu'au 30 mars 1885. Élu député du Loiret sans interruption de 1869 à 1888, il siégea au centre gauche jusqu'en 1876, puis avec la gauche républicaine. Il achèvera son mandat pour cause d'élection au sénat en 1888, siège qu'il conservera jusqu'à sa mort.

5?

6Mermillod, Gaspard (1824-1892, ordonné prêtre en 1847, il fut nommé curé à Genève (1857), chargé du canton de Genève (1864), puis vicaire apostolique de Genève, détaché de Lausanne (1873), ce qui provoqua une réaction du gouvernement suisse et son exil. Intransigeant, proche des frères Veuillot, il figurait parmi les partisans les plus ardents d'une définition de l'infaillibilité pontificale. Il sera nommé cardinal en 1890.

7Association catholique créée en 1848 en Allemagne, conservatrice et ultramontaine.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 septembre 1884», correspondance-falloux [En ligne], 1884, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 17/11/2020