CECI n'est pas EXECUTE 3 juillet 1865

Année 1865 |

3 juillet 1865

Alexandre de Saint-Chéron à Alfred de Falloux

Paris, 3 juillet 1865

 

Monsieur et cher comte,

Je ne doutais pas de la part que vous prendriez au succès que nous venons d’obtenir devant la cour de Cassation après la satisfaction que donne à la conscience de l’accomplissement du devoir la plus douce récompense est l’approbation des amis à l’opinion et à l’estime desquels on tient le plus vous occupez la première place parmi ces amis. Le bruit a pu arriver jusqu’à vous que cet arrêt a été le résultat d’une lutte longue et agitée dans laquelle M. Troplong1 et les dix à douze conseillers qui suivent son mot d’ordre ont déployé une ardeur digne d’un meilleur sort.

La veille, le 1er avocat général, Raynal2, se vantait d’être certain d’une condamnation. Pendant le second jour du délibéré, le directeur de la presse, M. Aylic Langlé3, se promenait dans la salle des pas perdus , disait que le gouvernement avait besoin d’une condamnation et qu’il l’aurait. Jugez du désappointement, du dépit et de la colère ! C’est pourquoi j’écrivais au comte Lamoricière ; nous avons échappé aux rigueurs judiciaires, mais défions-nous des rancunes administratives.

Vous avez raison, Monsieur et cher comte, ce triomphe prouve qu’il faut toujours lutter, sinon pour le succès, au moins pour le devoir. Il arrive un jour où l’injustice, la violence, l’hypocrisie et l’arbitraire rencontrent leur Waterloo. Le réveil de plus en plus manifeste de l’esprit public impose l’obligation de l’éclairer et de le diriger dans la voie des vrais intérêts du pays. Ce réveil ne semble profiter qu’au parti de la révolution, précisément par l’inaction d’un trop grand nombre d’hommes qui représentent le parti des améliorations politiques et sociales développées par une liberté organisatrice et non pas par un absolutisme corrupteur ou une licence anarchique. Malheureusement la perversion des esprits a fait, depuis 13 ans de tels ravages que je ne puis encore entrevoir le jour où la France reviendra en des mais plus dignes de ses glorieuses traditions.

J’ai bien regretté, Monsieur et cher comte, que la maladie et la mort de ma sœur, pendant votre séjour à Paris m’avait empêché de vous voir et que vos nombreuses relations ne vous aient pas laissé le loisir d’arriver jusqu’à mon domicile. J’aurais été heureux de présenter Mme de Saint-Chéron4 à Mme la comtesse de Falloux. Georges et moi nous avons été désolés de n’avoir pu vous rencontrer les deux fois où nous sommes allés à votre hôtel, mon fils ayant été repris de son indisposition est parti avec sa mère pour faire, pour deux ou trois mois, <mots illisible> dans tous les ports et dans les villes de l’Ouest, j’irai le rejoindre à divers intervalles.

Soyez assez bon pour être l’interprète de mes sentiments les plus respectueux auprès de Madame la Marquise de Caradeuc5, de Mme la comtesse de Falloux6 et de Mlle votre fille7. Croyez toujours, Monsieur et cher comte, à mes sentiments les plus affectueux et les dévoués.

De Saint-Chéron, 7 rue de Vaugirard.

1Troplong, Raymond-Théodore (1795-1869), juriste. Membre de la Cour de Cassation (1835) et pair de France en 1846. Il fut promu premier président de la cour d’appel de Paris par le prince président en décembre 1848 et se rallia au coup d’État. Entré au sénat, il fut le rédacteur du rapport sur la restauration de l’Empire.

2Raynal, Louis-Hector Chaudru de (1805-1892), magistrat et historien. Avocat général au Parquet de la Cour de Cassation en 1853, il devient premier avocat général en 1864. Président de la Chambre des requêtes en 1875, puis procureur général en 1877, il sera destitué deux ans plus tard par Dufaure. le destitua deux ans plus tard.

3Marie-Joseph-Adolphe-Alexandre Langlois dit Aylic Langlé (1827-1873), dramaturge et journaliste. Collaborateur au Moniteur universel, il est nommé en 1863 chef du bureau de la presse au Ministère de l'intérieur, puis chef de division en 1868. Il sera nommé préfet de la Meuse le 23 octobre 1869.

4Marie Claire Alexandrine de Saint-Chéron, née BAZARD (1814-1878).

5Emilie-Marie-Charlotte de Caradeuc, née de Martel (1801-1882), mère de Marie de Falloux.

7Loyde de Falloux (1842-1881), fille unique des Falloux. Atteinte de nanisme, elle était de santé fragile.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 juillet 1865», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1865,mis à jour le : 23/11/2020