CECI n'est pas EXECUTE 23 août 1875

1875 |

23 août 1875

Saint-René Taillandier à Alfred de Falloux

Avranches1, 23 août 1875

Mon cher confrère,

J’ai le regret de vous annoncer que votre recommandé M. Churchill n’a pu être reçu bachelier. Je n’étais pas au nom de ses examinateurs, mais je l’avais signalé à la bienveillance de mes collègues et je me proposais de veiller sur lui au moment des épreuves orales. Malheureusement ces épreuves écrites n’ont pas permis de l’admettre à la seule partie de l’examen où puisse s’exercer la bienveillance des juges. Il n’avait réussi, m’a-t-on dit, ni pour la version ni pour le discours. Que M. Churchill ne se décourage pas, encore un effort et il prendra sa revanche.

Si je n’ai pas répondu plus tôt à votre aimable lettre, c’est que j’ai voulu attendre l’examen du jeune candidat pour vous en donner des nouvelles. J’aurais bien désiré vous faire part d’un succès. Pour me dédommager j’ai eu le plaisir de contribuer vendredi dernier à la réussite de l’un des fils du maréchal Mac-Mahon qui a subi son examen de manière très convenable.

J’ai quitté Paris vendredi soir pour venir passer mes vacances en partie à Avranches, en partie à Jersey. La veille de mon départ je suis allé à l’académie, qui n’est pas très nombreuse en ce moment. Aussi ai-je peu de nouvelles à vous donner. Depuis la mort de M. de musat, les amis de M. Jules Simon semblent croire que son entrée à l’académie est tout à fait assuré. Il n’y aura même pas de luttes, à les entendre ; M. Dumas2 aurait le fauteuil de M. Guizot et M. Jules Simon remplacerait M. de Rémusat. Les choses se passeront-elles de cette manière ? Oui, sans doute, si les personnes influentes de la compagnie n’opposent pas à M. Jules Simon une candidature considérable. C’est en de pareilles circonstances que nous aurions bien besoin de vous. Est-ce que le comte de Paris ne songe pas à se présenter ? Il nous rendrait un grand service. À son défaut, M ; le duc d’Audiffret-Pasquier ou quelque autre personnage éminent (soit du monde politique, soit de l’Église). Ne pourrait-il nous délivrer de la candidature de M. Jules Simon ? M. de Rémusat, à sa dernière heure, a fait appeler le père Perraud3, de l’Oratoire ; cela me fait penser à l’autre père Perraud de l’Oratoire, au père Adolphe Perraud4, maintenant évêque d’Autun, qui aurait tant de titres comme écrivain à un fauteuil académique. Je vous livre ces idées comme elles me viennent ; c’est à vous de voir ce qu’elles valent. En tout cas il serait triste de laisser la victoire à M. Jules Simon sans protester contre lui autrement que par des bulletins blancs

Recevez, mon cher confrère, l’assurance de tous mes sentiments respectueusement dévoués.

Saint-René Taillandier

 

Je suppose que vous êtes de retour au Bourg d’Iré et que le comice agricole de Segré nous vaudra prochainement un de ces nobles discours qui relèvent les âmes et les fortifient.

1Manche.

2Dumas Jean-Baptiste (1801-1884), chimiste et homme politique. Membre de la Législative en 1849, ministre de l'Agriculture et du commerce en 1851, il deviendra sénateur en 1852. Candidat à l'Académie française, il ne sera élu qu'en 1875, au siège de François Guizot.

3Abbé Charles Perraud (1831-1892).

4Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893.Normalien de la promotion About, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «23 août 1875», correspondance-falloux [En ligne], 1875, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 26/11/2020