CECI n'est pas EXECUTE Ier Janvier 1874

1874 |

Ier Janvier 1874

Saint-René Taillandier à Alfred de Falloux

Paris, 1er janvier 1874

Mon cher et illustre confrère,

Je viens vous offrir pour vous et pour votre famille mes vœux les plus sincères de bonne et heureuse année. Puisse cette année nouvelle ne vous apporter que des joies ou du moins des consolations ! Ce qu’il faut vous souhaiter par dessus tout, c’est une bonne santé, une santé entièrement raffermie qui vous permette d’exercer votre grande et salutaire influence sur tous les points où votre direction serait si désirable. Me permettez-vous de vous adresser une requête ? Je serais très heureux et très fier si vous vouliez bien me faire l’honneur être mon parrain le jour de ma réception à l’académie

la lettre qu’il m’adresse à ce sujet exprime une douleur profonde et un découragement qui me désole. Il va au-devant de ma pensée en me priant de recourir à votre obligeance « Monsieur de Falloux, me dit-il, serait pour vous un parrain bien plus considérable que le pauvre vieux poète » C’est donc en son nom comme au mien, cher et illustre confrère, que je viens solliciter l’honneur de votre patronage. Permettez-moi d’ajouter que je le demande aussi au nom du père Gratry. Ce sera un honneur pour cette mémoire vénérée. J’ai lu mon discours au père Perraud1, à Victor de Laprade2, et tous deux en ont été satisfaits. Je suis persuadé qu’il ne contient pas un jugement, une pensée, un mot qui puisse vous déplaire. Je m’empresserai d’ailleurs de vous le lire dès votre arrivée à Paris, et, s’il y a quelque chose à modifier, je me soumets d’avance à vos conseils.

Puissiez-vous arriver bientôt ! C’est le mardi 13 que commencera la discussion des titres, pour les élections du 29. Va-t-on nous imposer M. Taine3 et M. Alexandre Dumas4, l’un qui ne croit ni a Dieu, ni à l’âme, l’autre qui depuis vingt ans calomnie la société française et prête des arguments à l’Allemagne pour qu’elle nous insulte et nous traîne dans la boue ? La victoire restera-t-elle à M. Guizot et à M. Legouvé5 ?

Je vous renouvelle tous mes vœux, mon cher confrère, je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments respectueusement dévoués. Veuillez agréer mes humbles hommages et les meilleurs souvenirs de Madame Saint-René Taillandier6 à Madame la comtesse de Falloux.

P.S. Je vous ai envoyé quelques pages sur les fables de La Fontaine, où j’ai eu l’occasion de vous nommer et de citer vos paroles, voyez page 34

1Charles Perraud (1831-1892), abbé.

2Laprade, Victor Richard de (1812-1883), poète et littérateur. Il fut nommé professeur de littérature à la faculté des lettres de Lyon en 1848. De sentiment légitimiste et catholique libéral, il collabora au Correspondant et fut élu à l’Académie française le 11 février 1858. En 1861, suite à la publication, par le Correspondant, de ses Muses d’État, Laprade fut révoqué en tant que fonctionnaire et la revue reçut un avertissement.

3Taine Hyppolite Adolphe (1828-1893), essayiste et historien. Auteur d'un Essai sur Tite-Live couronné par l'Académie française en 1854, il avait publié deux ans plus tard Les Philosophes français du XIXe siècle, ouvrage dans lequel il critiquait la philosophie spiritualiste enseignée par l'Université. Son œuvre la plus importante demeure ses Origines de la France contemporaine qu'il commença à publier en 1876. Il collabora à plusieurs périodiques dont la Revue des deux Mondes et le Journal des Débats. Candidat à l'Académie française en 1874, il avait été battu par Elme Caro, ses idées philosophiques déplaisant à Mgr Dupanloup et à certains de ses proches. Considéré peu à peu par ceux-ci comme étant « anti-révolutionnaire », Taine sera élu le 14 novembre 1878 en remplacement de Louis de Loménie. Mort peu avant son élection, Mgr Dupanloup aurait même songé à lui apporter sa voix.

4Alexandre Dumas fils (1824-1895), auteur dramatique et romancier. Il sera élu à l’Académie française le 29 janvier 1874.

5Legouvé, Ernest Gabriel Jean-Baptiste (1807-1903), auteur dramatique et essayiste. Fils de l'académicien Jean-Baptiste Legouvé (1764-1812), il avait obtenu, en 1827, le prix de l'Académie pour son poème, Découverte de l'Imprimerie. Il était membre de l'Académie française depuis le Ier mars 1855.

6Camille Saint René Taillandier, née Mouret (1825-1903).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Ier Janvier 1874», correspondance-falloux [En ligne], 1874, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 26/11/2020