CECI n'est pas EXECUTE 14 janvier 1874

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14 janvier 1874

Saint-René Taillandier à Alfred de Falloux

Paris,14 janvier 1874

Illustre et cher confrère,

J’aurais dû vous écrire plutôt combien je suis heureux et fier de l’honneur de vous avoir pour parrain. Veuillez excuser mon retard. Je viens reprendre mon cours de littérature française à la Sorbonne ; l’auditoire est nombreuse, exigeant, et j’ai si peu de loisir d’une leçon à l’autre que je me vois souvent obligé de remettre de jour en jour les choses auxquelles je tiens le plus. Oui, ce m’est un très grand honneur que de vous avoir pour parrain, et soyez assuré que je le sens très vivement. J’en suis d’autant plus heureux que j’avais un peu hésité, par discrétion, à invoquer ce noble patronage. J’ai pour vous un tel respect, je suis tellement dévoué aux grandes causes dont vous êtes le représentant, que je ne me pardonnerais pas de vous causer la moindre difficulté. J’ai été souvent injurié par l’Univers, j’ai occupé sous l’Empire une autre position administrative, j’ai même eu des rapports personnels avec l’Empereur ; enfin, sans parler de mes écrits qui ont pu ne pas plaire à tel et tel personne, il y a des raisons pour que certains journaux me témoignent de la malveillance. Je craignais donc, en vous demandant votre patronage, d’être pour vous une occasion de désagréments. J’ai même fait part de ce scrupule à M. Léopold de Gaillard, le jour où j’ai appris que notre ami Victor de Laprade1 ne pourrait venir me prêter assistance. M. de Gaillard me rassure. Ce qui me décide surtout à vous prier de me faire ce grand honneur, c’est la pensée qu’il s’agissait principalement d’honorer la mémoire du Père Gratry. Qui mieux que vous peut remplir cet office ? Votre place est marquée à la droite de l’orateur qui essaiera de louer dignement cette belle âme. Achevez donc de vous guérir, cher et illustre confrère, et arrivez-nous-le plus tôt qu’il vous sera possible. Beaucoup de vos confrères vous attendent avec impatience ; je vous attends plus impatiemment que personne. Je perdrais trop, si votre santé vous retenait loin de Paris le 22 janvier. Mais non, vous voilà sur pied, dimanche ou lundi vous serez ici ; j’irai aussitôt vous lire mon discours et je vous renouvellerai l’expression de ma profonde gratitude pour l’honneur que vous voulez bien me faire.

Recevez, illustre et bien cher confrère, l’assurance de mes sentiments respectueusement dévoués.

Saint René Taillandier

 

1Laprade, Victor Richard de (1812-1883), poète et littérateur. Il fut nommé professeur de littérature à la faculté des lettres de Lyon en 1848. De sentiment légitimiste et catholique libéral, il collabora au Correspondant et fut élu à l’Académie française le 11 février 1858. En 1861, suite à la publication, par le Correspondant, de ses Muses d’État, Laprade fut révoqué en tant que fonctionnaire et la revue reçut un avertissement.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 janvier 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1874, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES,mis à jour le : 26/11/2020