CECI n'est pas EXECUTE 7 novembre 1867

Année 1867 |

7 novembre 1867

Théodore de Quatrebarbes à Alfred de Falloux

Chanzeaux1, 7 novembre 1867

Cher ami, rien de positif encore sur la santé de Bernard2. Si les Garibaldiens3 de Monte Rotondo4 ont oublié des blessés, notre cher enfant doit être aujourd’hui à Rome soigné par son père. Nous ne recevrons des lettres de lui que dans deux ou trois jours. Hier Kanzler5 m’a écrit une longue lettre. Mais elle était datée du 28, et il ne savait rien de certain le 27 une dame américaine, munie de son passeport, était partie pour Monte Rotondo pour soigner les blessés. Elle devait immédiatement lui donner des renseignements exacts. Aujourd’hui, je reçois une lettre de Rome où on m’écrit seulement qu’il a deux doigts emportés et le bras gauche fracassé de manière assez grave. Tout le monde s’intéresse à ce brave garçon dont la modestie égale le courage. Le lendemain du combat de Nevola6 il avait écrit à sa mère une lettre admirable, où il parlait à peine de lui. C’est par les journaux et surtout par les lettres de ses camarades que nous avons appris que l’habileté avec laquelle il avait dirigé l’artillerie avait déterminé la reddition de la place. Voici le seul passage où il parle de lui : « depuis longtemps écrivait-il à sa mère, je désirais aller au feu. Grâce à Dieu j’ai entendu hier siffler mes premières balles. Je ne suis pas trop mécontent de mon examen intérieur. Sans doute je n’ignorais pas que je pouvais être tué d’un instant à l’autre ; mais le sentiment de la peur n’était pas descendu dans ma volonté, et je l’étais d’ailleurs trop occupé de mon métier pour penser à autre chose ».

Adieu cher ami, j’écrirai bien certainement à lui pour lui dire tout l’intérêt que vous portez à son fils. Il en sera aussi reconnaissant que moi, Madame de Quatrebarbes7 partage les mêmes sentiments.

Veuillez offrir tous mes hommages, à Mmes de Caradeuc, de Falloux et à Mademoiselle Loyde. Tout à vous de cœur.

Th. Q B (Quatrebarbes)

Voici un passage de la lettre de Kanzler :

« Votre neveu, d’après le dire des personnes qui ont réussi à quitter Monte Rotondo, s’est conduit admirablement… c’est en partie à sa bravoure et à son sang-froid que sont dues les pertes énormes subies par l’ennemi. »

Avant la glorieuse bataille de Tivoli les 3 du Réau8 et Yves de Quatrebarbes n’avaient reçu aucune blessure. Qui sait si avant trois mois François II ne sera pas sur le trône, et si notre chevaleresque Athanase de Charette9 n’aura pas planté sur les remparts de Bologne l’étendard pontifical !

 

 

1Château des Quatrebarbes, à Chanzeaux, commune du Maine-et-Loire.

2Bernard de Quatrebarbes (1840-1867), jeune officier ayant intégré les zouaves pontificaux chargés de repousser l’assaut des troupes garibaldiennes.

3Garibaldi, Giuseppe (1807-1882), homme politique italien. Républicain révolutionnaire. Membre de la Jeune Italie de Mazzini, il fut contraint à l’exil en 1834 en Amérique du Sud. Revenu en Italie, il participa à la guerre contre l’Autriche en 1859. En mai 1860, il entreprit sa fameuse conquête de Naples et de la Sicile à la tête d’un millier de « Chemises rouges ». Il fut rapidement défait par les Napolitains. Il mena par la suite deux tentatives infructueuses pour conquérir Rome (1862 et 1867) et combattit pour l’Italie contre l’Autriche en 1866.

4Monterotondo, ville de la province de Rome fut le théâtre les 25 et 26 octobre 1876 d’une bataille entre les troupes de Garibaldi pour la libération de Rome et pour tenter d’intégrer les États pontificaux à l’Italie et faire de Rome la capitale du pays. Après une résistance acharnée, les soldats pontificaux chargés de la défense de la ville furent contraint de se rendre aux Chemises rouges de Garibaldi.

5Hermann Kanzler (1822-1888), militaire allemand, il est alors commandant suprême des forces armées pontificales.

6Rivière de la région d’Ancône, en Italie.

7Rosalie dite Rose de Qatrebarbes, née Gourreau (1807-1884).

8Zacharie Raoul du Réau de La Guaigonnière du (1841-1925), légitimiste et profondément catholique, zouave pontifical, il sera anobli en 1874 par Pie IX.

Maurice du Réau de La Guaigonnière (1847-1923).

Henry du Réau de La Guaigonnière (1848-1934), légitimiste et profondément catholique, zouave pontifical.

9Athanase de Charette (1832-1911). Colonel des zouaves pontificaux, il avait participé aux batailles de Castelfidardo (1860), Mentana (1867) et à la défense de Rome (1870). Blessé à Patay, le 2 décembre 1870, il sera nommé général auxiliaire.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 novembre 1867», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1867,mis à jour le : 27/11/2020