CECI n'est pas EXECUTE 12 janvier 1869

Année 1869 |

12 janvier 1869

Armand Séguier à Alfred de Falloux

Le 12 janvier 1869

Cher cousin et très honoré confrère,

Je suis bien touché de votre empressement à me féliciter de la conduite de mon fils1. À son très vif regret, il a été pris dans la dure nécessité d’interrompre sa carrière pour rester digne de la reprendre un jour. L’émotion causée par sa démission si diversement commentée par la presse me peine. On suppose le procureur impérial de Toulouse démissionnaire fort irrité et l’on voudrait faire tourner sa mauvaise humeur présumée contre le gouvernement qu’il servait avec dévouement et intelligence au moment même où il a été contraint de se retirer.

Il venait en effet, pour la cinquième fois de faire condamner des journalistes qui au lieu d’user loyalement du droit de dissolution avaient abusé de la liberté de la presse. Mon fils avait eu le succès d’obtenir de l’un de ces écrivains acerbes, par la modération même de son langage à l’audience, une promesse d’apaisement de controverse et le condamné avait consigné cet engagement pour l’avouer, dans la feuille qui paraissait le lendemain de sa condamnation ! C’est dans de telles circonstances qu’une lettre émanée de la chancellerie et rédigée en termes blessants pour l’honneur de mon fils, ne lui a plus permis de continuer son concours à une administration qui élevait la prétention de lui dicter elle-même de Paris les réquisitions qu’il devait faire devant le tribunal de Toulouse dans une prochaine affaire de presse.

Pour se tenir en haleine, mon cher fils vient de se faire inscrire sur le tableau de l’ordre des avocats, du barreau de Paris. Il va se livrer à la plaidoirie et offrir son ministère à l’assistance judiciaire par l’extrême modération de sa conduite. Il prouvera à tous ceux qui voudraient le voir devenir un champion d’opposition qu’il ne désire qu’une chose : rester honnête homme et français dévoué à son pays comme vous l’attendez vous-même avec confiance de la loyauté de son caractère, cher cousin. Votre gracieuse épître lui ayant été communiqué, mon fils me prie de joindre sa reconnaissance à la mienne ; je vous adresse donc l’expression de l’une et de l’autre, je vous prie de recevoir en outre l’hommage de la haute estime et du bien sincère attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être votre tout dévoué parent et bien affectionné confrère.

Baron Armand Séguier

1Antoine Joseph Séguier, baron (1832-1929) ; avocat.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 janvier 1869», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1869,mis à jour le : 07/12/2020