CECI n'est pas EXECUTE 29 juin 1869

Année 1869 |

29 juin 1869

Emile Keller

Ce 29 juin 1867

Cher Monsieur,

J’ai lu avec le plus grand soin la protestation que vous a bien voulu m’envoyer. Malheureusement, sauf l’affaire du dîner et des bien nationaux, je n’ai trouvé dans cet ensemble de faits que la répétition de ce qui se passe dans tous les arrondissements de France, c’est-à-dire une pression administrative poussée jusqu’au cynisme. Il ne s’y joint aucune preuve de fraude, de corruption ou de violence matérielle. Or il faudrait des faits gros comme des montagnes pour que le corps législatif acceptât la discussion d’une élection ou l’écart des voix est de 5.000. On ne s’occupe que de celle où l’écart est très faible.

Enfin la première condition d’une protestation, c’est que le candidat vaincu vienne à Paris, qu’il dirige lui-même la discussion en en fournissant les éléments et en voyant ceux qui la mettront en œuvre, qu’il fasse imprimer et distribuer la protestation, en un mot qu’il se mette à la disposition de ceux qui prendront sa défense. Le silence de M. de Falloux me fait supposer qu’il apprécie comme moi la situation, et qu’il n’y voit pas l’occasion d’un débat utile. L’avez-vous consulté à ce sujet ?

Si vous deviez d’accord avec M. de Falloux attaquer résolument l’élection de M. de la Poëze1. Les pièces dont vous m’avez donné l’extrait sont suffisantes pour nécessiter un examen de quelques jours. Vous auriez donc tout le temps de venir à Paris, et d’y fournir des suppléments de preuves toujours admises tant que le bureau n’a pas statué.

Avant de terminer, permettez-moi également de vous demander si vous avez consulté Mgr de Lespinay2. Car je crains que sa circulaire et sa démission comme vicaire général jointe à quelques excès de zèle de la part de deux ou trois curés ne soit une difficulté de plus dans un débat pour lequel je n’espère point d’issue favorable.

Je vous ai dit bien franchement, cher Monsieur, ce que je pensais de la si regrettable élection des Sables. C’est une véritable peine pour moi de ne pas y trouver ici l’occasion d’exprimer aux vendéens ma sympathie et ma reconnaissance. J’espère du moins que cette première lettre vous sera une préparation salutaire pour l’avenir, et que vous vous occuperez activement et sans relâche d’éclairer, de diriger, d’acquérir vos bonnes populations. Car il faut être plein d’entrain et d’énergie pour triompher de l’administration.

Veuillez me dire au plus tôt ce que vous pensez de mes appréciations et le parti définitif auquel vous vous arrêtez, croyez, cher Monsieur à mes sentiments les plus distingués et les plus dévoués

Émile Keller

Je reçois à l’instant votre second pli chargé ainsi que la lettre de l’abbé3, lettre qui soit dit en passant ne pourrait guère être lue à la tribune. L’examen du document dont vous m’envoyez la copie ne fait que me confirmer dans ma première impression.

Il n’y a rien qui prouve matériellement la possibilité d’un déplacement de 5.000 voix et quand on parlera d’intimidation générale, de terreur, la chambre se mettra à rire. C’est le grand moyen que la majorité emploie pour se persuader qu’elle représente réellement le pays.

1Certains députés envisageaient de contester les résultats du scrutin du 24 mai 1869 au cours duquel Falloux avait été largement devancé par Olivier de La Poëze (17.999 voix contre 13.397). L’écart étant trop important (près de 5.000 voix comme il est dit dans cette lettre) pour pouvoir être contesté, Keller, membre du Corps Législatif, estimait qu’il n’y avait aucune chance que le scrutin soit remis en cause.

2Henri Victor de Lespinay (1808-1878), abbé. Alors vicaire général de l’évêque de Luçon, en Vendée, il avait appelé à voter pour M. de Falloux et donc contre La Poëze dans la circonscription des Sables d’Olonne.

3Lespinay.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 juin 1869», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1869,mis à jour le : 10/12/2020