CECI n'est pas EXECUTE 11 avril 1865

Année 1865 |

11 avril 1865

Victor de Laprade à Alfred de Falloux

Paris, 11 avril 1865, 32 rue de l’université

Très cher confrère et ami,

Je n’ai pas besoin de vous dire quel regret j’ai éprouvé et qu’elle tristesse en vous sentant retenu par vos cruelles souffrances loin d’un champ de bataille où vous êtes si nécessaire. Votre vote n’eut rien changé au résultat, mais votre présence quelques jours plus tôt nous eut peut-être évité ce honteux échec. Vous savez à qui nous le devons. Son auteur se félicitait triomphalement de ce résultat en sortant de l’académie, sans s’apercevoir qu’il en [mot illisible] de perdre notre majorité indépendante. Notre ami Autran1 a supporté cet échec avec la même dignité que l’année dernière, mais il ne faut pas nous dissimuler que ses chances n’augmenteront pas à l’avenir. Son nom uni à celui de J. Janin2 eût été bien accepté du public, c’était votre avis et le mien. Il y a bien à dire sur le feuilleton des débats, mais il est très populaire et manœuvre toute la presse. Ces élections consommées sont critiquées de tous côtés avec amertume, même celle de P[révost]-Paradol quoique son talent soit unanimement reconnu. On le trouve très jeune. Vous entendrez dire que Monsieur Sainte-Beuve3 a voté pour lui. Je n’en suis pas convaincu quoique notre honorable confrère semble se rapprocher de la majorité depuis que l’Empereur4 lui a refusé le Sénat. Cette majorité s’est montrée bien chrétienne et bien peu cléricale en nommant directeur celui qui nous a tous et si souvent injurié. Celui qui sera chargé de faire le rapport sur les prix de vertu.

Je joins à cette lettre un petit volume où vous retrouverez les vers que vous avez écoutés avec tant de bienveillance, et beaucoup d’autres pour lesquels vous serez je l’espère aussi indulgent. J’ajourne encore le volume de mes satires5 elles seront toujours de saison. Je vais retourner à Lyon après les fêtes pour y reprendre les études de mes enfants. Je m’impose une grande privation en me servant du pèlerinage de Bourg d’Iré où j’aurais à porter tant de sentiment d’affection et de vénération. Je voudrais vous dire de prés combien vos souffrances nous sont cruelles à tous. Je fais passer par les prières de mes chers petits qui valent mieux que les miennes les vœux que je fais pour le rétablissement de vos forces. La France et la Prusse y sont aussi intéressées que notre amitié. Je vous transmets avec les miens tous les sentiments de respect de mon voisin et ami Léopold de Gaillard. Il fait dans la Gazette de France une brillante campagne.

Serez-vous assez bon pour vous charger de tous mes hommages auprès de Madame de Falloux et me permettre de vous serrer la main de tout cœur.

 

V. de Laprade

1Autran, Joseph (1813-1877), poète français. Plusieurs fois candidat à l’Académie française, il était soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. Contraint de se retirer devant Octave Feuillet en 1862, il ne sera élu que le 7 mai 1868, en même temps que Claude Bernard.

2Jules Janin (1804-1874), écrivain et critique dramatique. Auteur prolifique, il collabora à de nombreux périodiques.

3Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869), poète, romancier et critique littéraire. Auteur prolifique, célèbre pour ses Causeries du Lundi et ses Nouveaux Lundis, véritable monument de critique littéraire, familier du salon de la princesse Mathilde, membre de l'Académie depuis 1844, il y était le chef du parti gouvernemental et anticlérical.

5Ses satires seront publiées en 1873 sous le titre de Poèmes civiques.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «11 avril 1865», correspondance-falloux [En ligne], Année 1865, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire,mis à jour le : 24/12/2020