CECI n'est pas EXECUTE 22 octobre 1867

Année 1867 |

22 octobre 1867

Victor de Laprade à Alfred de Falloux

Lyon, 22 octobre 1867

Cher confrère et ami,

Je devrais toujours être le premier à vous remercier des belles et bonnes paroles que vous nous faite entendre ; car personne n’en tire plus de plaisir et plus de profit que moi. Je suis trop porté au découragement et au pessimisme, et chaque fois que je vous lis je fais une provision d’espérance et de fermeté. Ce n’est pas seulement le chrétien et le citoyen qui se sentent fortifiés par ces pages salutaires mais aussi l’homme et le malade. Moi qui sais par expérience ce que c’est que de souffrir dans son corps et tout ce que vous souffrez, j’admire passionnément cette force et cette sérénité dame qui vous maintienne le plus inébranlable dans la confiance sans que vous cessiez d’être le plus clairvoyant de tous nos chefs et amis. Je vois aussi avec bonheur dans ces deux beaux discours une preuve ou au moins une présomption de meilleure santé car je connais assez l’énergie de votre volonté pour penser que vous avez peut-être dompté le mal sans que le mal se soit effacé de lui-même. J’espère que vous serez assez bon pour me faire donner en quelques lignes de vos chères nouvelles.

Il importe aussi je crois de nous entendre très à l’avance et d’une façon positive ce ce que nous aurons à faire à la prochaine élection académique. La situation des choses et le nom du mort1 indiquent un choix purement littéraire puisqu’il est convenu que l’éloquence et la philosophie ne sont pas de la littérature. Il nous faut donc je le pense, un poète ou un critique. Après les deux dernières élections dont M. Guizot n’a pas eu l’initiative il est probable qu’il voudra faire la prochaine à lui tout seul. Nous allons le retrouver très intraitable contre notre candidat naturel qui serait mon ami J[oseph] Autran2. Que faudrait-il faire pour vaincre cette hostilité ou du moins ne pas nous laisser imposer une candidature fâcheuse. Il impose à l’académie que ce fauteuil ne soit pas donné à l’économie politique pas plus qu’à la prose réaliste et officieuse. Est-il trop tôt pour soumettre la question à quelques-uns de nos confrères ? Je sais bien que les esprits sont à tout autre chose en ce moment qu’aux affaires académiques, mais puisque ces affaires sont nôtres ne les oublions pas même au milieu des grandes préoccupations de l’heure présente. Touchons nous à une crise décisive, je n’ai là-dessus aucune opinion surtout en vous parlant à vous de qui j’en accepterais une avec tant de confiance. Il est parti pour mener plusieurs Lyonnais distingués, mais trop peu encore et toujours d’une seule classe, l’esprit des régiments envoyés à Lyon est dit-on fort mauvais d’autant plus mauvais qu’ils devraient avoir le dégoût et le mépris des Italiens.

Puisse ma lettre vous trouver aussi bien portant que le fait supposer votre présence à Malines3 et vous témoigner comme je le voudrais tous mes sentiments de cordiales et respectueuses affections.

V. de Laprade

1François Ponsard. Il était mort le 7 juillet 1867. Il aura pour successeur Joseph Autran élu le 7 mai 1868.

2Autran, Joseph (1813-1877), poète français. Plusieurs fois candidat à l’Académie française, il était soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. Contraint de se retirer devant Octave Feuillet en 1862, il ne sera élu que le 7 mai 1868, en même temps que Claude Bernard.

3Falloux était alors au Congrès des catholiques réuni à Malines, en Belgique. Le 3 septembre 1867, il y avait prononcé un important discours sur la situation en Italie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «22 octobre 1867», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1867,mis à jour le : 25/12/2020