CECI n'est pas EXECUTE 22 juillet 1868

Année 1868 |

22 juillet 1868

Victor de Laprade à Alfred de Falloux

Lyon, 22 juillet 1868

Très Cher confrère et ami,

C’est un grand honneur que vous me faites de répondre à mon article sur la musique1 et vous y ajouter tout ce qui peut rendre notre discussion aimable et flatteuse pour votre modeste contradicteur. J’ai déjà reçu une foule de reproches sur le même sujet j’ai déjà regretté le malheureux don que je possède d’exagérer ma pensée dans l’expression et de la rendre plus rude qu’elle n’est en réalité. Vous achevez de <mot illisible> des remords et vous me convertissez sur bien des points. Si j’avais ajouté quelque chose à cet amical et pacifique débat, une réponse viendrait plus de l’amende honorable que de la réplique, il s’y mêlerait seulement quelques doutes et beaucoup de craintes pour l’avenir. Une partie de ma mauvaise humeur contre la musique tiens, je reconnais, à des circonstances tout accessoire. J’avoue que je lui en veux non pas d’avoir été si cultivé en France depuis dix-huit ans. L’explication et certaines de mes attaques sont dans cette sentences vos livres <mot illisible> «  Corruptio optimi pessima2» Il y a musique et musique et surtout il y a deux classes très diverses d’amis de cet art et de tous les autres. J’aurais dû distinguer plus nettement.

Votre bonne lettre, m’a inspiré un autre regret, celui de ne pas vous avoir écrit ce que j’ai recueilli sur la situation de votre protégé d’État. Il est comme vous savez réengagé à <mot illisible>, c’est-à-dire qu’il a reçu une somme du gouvernement pour rester au service sept nouvelles années. Il a le malheur d’être soldat du génie et probablement bon sujet. Son colonel qui réside à Montpellier ne se décidera jamais m’a dit Palot lui-même à renvoyer un soldat qui fait bien son métier. Plusieurs officiers supérieurs à qui je me suis adressé m’ont dit ceci : il n’y avait pas la moindre chance pour que Palot obtint sa libération de ses chefs directs, colonels et même généraux de province, que c’était aux bureaux du ministère de la guerre qu’il fallait faire agir, que de là seulement pourrait partir le congé. Il n’a plus que dix-huit mois à faire. On m’a conseillé de l’engager à demander d’abord un semestre qui pourrait peut-être être ensuite se proroger. Du reste, j’ai encore quelques espoirs d’être aidé dans cette affaire même en province. Je viens de découvrir une ancienne connaissance très bienveillante et très distinguée dans un colonel du génie qui arrive à Lyon, ce n’est pas celui de Palot mais étant de la même arme il est peut-être mieux placé pour me servir. Je suis tant heureux de l’intérêt que vous prenez à Pierre et à Pernelle, j’espère que leur fin à tous les deux ne diminuera pas votre sympathie. Merci encore et de la lettre et de l’article. Quelle magnifique défense de la rêverie contre rêveur injuste envers elle et par un homme d’action de tant d’énergie.

Ces poètes vous citeront plus d’une fois. Pourquoi votre lettre ne se termine-t-elle pas par les nouvelles et de bonnes nouvelles de votre santé ? Je suis bien inquiet de ce qui se passe à La Roche en Breny3. La Providence tient-elle donc à se passer absolument de nous.

Mille tendres et respectueuses amitiés

V. de Laprade

1En avril 1866,Victor de Laprade avait publié dans Le Correspondant, sous le titre Philosophie de la musique, des pages où il signalait les abus de la musique contemporaine, refusant de placer cet art au-dessus de la peinture et la poésie. L’article répondait au discours prononcé le 25 juillet 1865 par Falloux lors de la distribution des prix de l’Institut de Combrée, un discours qui sera reproduit dans Le Correspondant du 25 août 1865 sous le titre De la musique, véritable plaidoyer pour cet art majeur, la musique étant à ses yeux « la seule langue véritablement universelle ».

Situé non loin du Bourg d'Iré, la commune de Combrée abritait un collège catholique auquel Falloux, alors ministre de l'Instruction publique et des Cultes avait accordé, le 2 janvier 1849, le privilège de plein exercice. Falloux aimait à s'y rendre en compagnie de ses hôtes, pour y prononcer, à l'occasion, des discours au contenu le plus souvent politique.

La lettre ci-présente fait allusion à l’article publié par Falloux le 25 août 1868, dans Le Correspondant et qui est une réponse à V. de Laprade. La polémique se poursuivra (voir les lettres suivantes). Pour V. de Laprade étant « un élément tout extérieur », « tout physique » la musique « ne nous élève ni ne nous soutient dans l’ordre des sentiments « .

2« la corruption du meilleur est la pire des corruptions »

3Domaine, en Côte d’Or, de Montalembert qui est alors très malade.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «22 juillet 1868», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1868,mis à jour le : 26/12/2020