CECI n'est pas EXECUTE 9 juillet 1875

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9 juillet 1875

Victor de Laprade à Alfred de Falloux

Lyon, 9 juillet 1875

Hélas, mon cher ami, l’article dont vous me parlez avec tant d’indulgence ne prouve rien en faveur d’une triste santé, il est écrit depuis dix mois. Il attendait dans les cartons du Correspondant, quand la veille de l’élection académique, nous nous sommes aperçus qu’il renfermait une forte attaque contre M. Dumas1 à propos de la bifurcation dont il fut l’un des principaux auteurs. J’ai supprimé cette page, l’académie a ajourné l’élection et l’article a paru pendant que je suis malade comme je ne l’ai jamais été de ma vie. Depuis le commencement d’avril je souffre de douleurs aiguës et je commence à être à bout de force, j’ajouterais à vos de courage si je ne parlais au plus courageux au plus patient, ou plus noblement et chrétiennement résigné de mes amis. Vous êtes l’homme du monde à qui je voudrais le moins donner une mauvaise idée de moi car je ferai tous mes efforts pour paraître devant vous, vaillant contre la douleur au moins pendant que j’écris cette lettre.

J’ai eu grand besoin de me contenir et de me rappeler qu’il n’était pas assez respectueux de parler épisodiquement de vous dans un article sur M. J|ules] Simon pour retarder à une l’expression des sentiments que du clergé et des légitimistes vis-à-vis de vous. Jamais un homme politique n’a été l’objet d’une ingratitude aussi noire aussi basse et aussi bête. C’est ce que je répète tous les jours au petit monde des gens qui viennent encore me voir. Et depuis quatre ans ma santé me tient loin du monde et depuis plus de trois mois je suis comme à l’hôpital.

Quand cet orage qui dure depuis tant de jours sera fini, et que nous serons quitte pour la peur des inondations, je pense que je pourrais sortir, comme je sors quelquefois avec le bras d’un de mes enfants. J’irai chercher l’exemplaire que vous voulez bien me mot ill d’Augustin Cochin et celui de notre archevêque ou plutôt de notre évêque. Sa grandeur Ginoulhiac2 n’existe plus moralement, il est tombé dit-on dans une enfance prématurée depuis qu’il est à Lyon, il n’a jamais donné signe de vie et le caractère et il a trouvé moyen de nous faire considérer son prédécesseur comme un homme de grande énergie et de grande activité il avait au moins beaucoup de décence et de cœur. Mgr Genouillac depuis son arrivée n’a cessé de faire le mal qui au moment où son intelligence elle monte en réaction. On vient par bonheur, et par hasard, de lui donner un coadjuteur homme de mérite, jeune intelligent professeur de philosophie dans une grande institution graduée de l’Université ancien auditeur de mon cours et avec qui je suis en très bon rapport.

C’est avec lui que je traiterai la question des Semaines religieuses du diocèse. Et je ne doute pas du succès, à moins que l’onction épiscopale n’eut totalement changée l’homme que j’ai connu, qui jeune professeur et ancien vicaire général, exécrait le veuillotisme autant que nous-mêmes.

Je vous rendrai compte de mes opérations qui ne seront pas aussi promptes que je le voudrais, à cause de mon impotence d’abord, puis parce que Mgr Thibaudier3 est je crois en tournée pastorale. Mais vous pouvez compter que j’y mettrais tout mon zèle. Je serais si heureux de vous témoigner en quelque chose toute mon admiration tout mon respect et toute mon affection dévouée.

Il y a à Nantes une Semaine religieuse qui s’imprime avec un de nos plus vaillants jeunes amis, mon confrère en poésie Émile Grimaud4, qui a beaucoup connu et aimé Augustin Cochin. Sa semaine a-t-elle fait un article ? Je sais bien qu’il n’est que l’imprimeur, mais il est très actif, très dévoué et zélé pour des amis. Je luis écrirai.

V. de Laprade

1Dumas Jean-Baptiste (1801-1884), chimiste et homme politique. Membre de la Législative en 1849, ministre de l'Agriculture et du commerce en 1851, il deviendra sénateur en 1852. Candidat à l'Académie française, il ne sera élu qu'en 1875, au siège de François Guizot.

2Ginoulhiac, Jacques Marie (1806-1875), nommé évêque de Grenoble, il avait été nommé archevêque de Lyon en juin 1870. Faisant partie du cercle de l’abbé Marie, il avait rejoint Dupanloup et la minorité de l’opposition au concile de Vatican.

3Thibaudier, Odon (1823-1892), prélat français. Il est alors évêque auxiliaire de Lyon. Il sera par la suite évêque de Soissons puis archevêque de Cambrai.

4Émile Grimaud (1831-1901), historien, prosateur et poète.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «9 juillet 1875», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1875,mis à jour le : 26/12/2020