CECI n'est pas EXECUTE 20 novembre 1880

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20 novembre 1880

Victor de Laprade à Alfred de Falloux

Lyon, 20 novembre 1880

Mon très cher confrère et ami,

Je vous envoie les deux premiers exemplaires de mon petit livre Sur la musique, c’est Glorian1 qui a voulu mettre Contre2 pour faire scandale. Il a ordre, de vous envoyer tous les exemplaires que vous demanderez.Vous avez bien voulu être mon collaborateur et vous m’aiderez à me soustraire à la vengeance des promesses et des manants mais pas à celle de la République. C’est à son intention que j’ai ajouté les chapitres sur la Marseillaise, l’Opéra et les cafés-chantants. Hélas si mes forces étaient semblables à mes intentions je lui enverrais bien notre chose, mais je n’ai pas plus que mon intarissable colère. Dans la région que j’habite personne ne la partage hormis quelques douzaines d’honnêtes gens. Nos bons paysans vont correctement à l’église, mais il la laisseront fermer sans faire autant de réclamations que si on fermait les quinze cabarets de ma paroisse de onze cent âmes. Tout cela ne me réconcilie pas avec l’Empire, car il faut bien se souvenir que Napoléon III et Persigny ont commencé ce que MM. Jules Grévy et Ferry continuent si bien. Tout cela ne finira que dans l’abyme d’une nouvelle Commune. Qui nous en tirera ? Certainement ce ne sera pas M. le comte de Chambord pas même M. Baudry d’Asson3. Malgré l’ancien intérêt que je garde encore un peu à mes vers et à ma prose il m’est impossible de penser profondément à autre chose qu’à ces calamitsé et à ces hontes et d’accorder autre chose que du mépris aux choses de ce temps et à ses hommes y compris tel ou tel de nos confrères de l’académie que l’on dit pourtant hommes d’esprit.

Pardonnez-moi d’être si mauvais chrétien en écrivant à un sage et à un chrétien comme vous et mettez un peu de ma méchanceté sur le compte de mes nerfs qui me torturent cruellement ces jours-ci. Mon indignation ne me laisse que plus de respect d’admiration et d’affection pour ceux que j’ai toujours aimé et respecté. Vous avez qui je place en tête de ces modèles. A vous de cœur.

V. de Laprade

1Éditeur lyonnais de la maison P. Didier.

2V. de Laprade, Contre la musique, P. Didier, 1881, 362 p.

3Baudry d’Asson Léon Armand Charles marquis (1836-1915), légitimiste ardent, défenseur du catholicisme, antisémite notable (il proposera en 1895 de retirer la nationalité aux Juifs), il sera élu des Sables d’Olonne (Vendée) de 1889 à 1914.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «20 novembre 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 27/12/2020