CECI n'est pas EXECUTE 29 novembre 1880

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29 novembre 1880

Victor de Laprade à Alfred de Falloux

Lyon, 29 novembre 1880

Très cher confrère et ami,

Je suis désolé de cette inexpression si fautive, car c’est ma faute aussi bien que celle de l’imprimeur. Je suis un détestable correcteur d’épreuves et les protes de province ne veulent pas mieux que moi. Les quelques amis qui ont déjà lu mon livre me signalent tous ces erreurs désastreuses et malheureusement irréparables. L’édition–tirée seulement à mille est déjà dispersée et un erratum n’arriverait pas partout. Quant aux éditions subséquentes il est probable qu’il n’y en aura pas, ou que je ne la verrai pas, car malgré le nombre modeste du tirage de cette édition, je n’espère pas qu’elle soit complètement enlevée. Si d’aventure il en a une seconde elle sera recomposée entièrement à nouveau et j’y donnerai les plus grands soins vous priant de m’y faire aider par quelqu’un de vos amis moins maladroits que moi. Du reste, comme il arrive souvent la mauvaise typographie qui rend les auteurs si malheureux ne produit pas grand effet sur les lecteurs, au moins sur ceux qui sont intelligents et lettrés. Voici ce que je reçois de notre confrère Auguste Barbier1 un brave homme s’il en fut, fort consterné aujourd’hui d’être républicain : « Votre commencement et votre fin encadrent merveilleusement un beau morceau de prose de Monsieur de Falloux ; c’est, à mon sens, une excellente chose très justement pensée et très élégamment écrite. Si vous avez occasion de lui écrire dites-lui de ma part que j’ai beaucoup admiré son plaidoyer pro musica. Il n’avait pas besoin de me convertir, mais il m’a raffermi dans ma croyance à cette ravissante fille d’Apollon et à ses bienfaits. »

Je n’en suis pas moins consterné de ce désastre typographique où je vous ai entraîné avec moi. Quant à compter sur une seconde édition pour le réparer, je ne l’ose pas. À moins, ce qui est très possible, que vos belles pages m’aient apporté une chance que n’ont guère les miennes.

Mille tendres et vives amitiés.

V. de Laprade

1Barbier, Auguste Henri (1805-1882), poète et littérateur. Il avait été élu le 29 avril 1869 à l'Académie française au siège d'Adolphe-Joseph Empis en dépit de son hostilité déclarée à l'Empire.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 novembre 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 27/12/2020