CECI n'est pas EXECUTE 4 janvier 1871

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4 janvier 1871

Pauline de Castellane à Alfred de Falloux

Mercredi, 4 janvier 1871

Ne vous étonnez pas chers amis si vous ne recevez pas ces jours-ci les lettres de Billou vu qu’il est en route pour Le Mans et d’où il reviendra, si les trains marchent, par Juigné1 ; afin de me rapporter des nouvelles de Jacques et de sa maman dont je ne sais rien depuis l’émotion de sa nouvelle séparation d’avec Antoine [de Castellane]. Celui-ci m’a, par occasion, écrit hier une lettre reçue ce matin (il y dit vous avoir écrit, avez-vous reçu?) Lui et ses hommes étaient cantonnés à Changé, près du Mans, habillé et attendant de jour en jour un nouvel ordre de marche en avant. Il conserve bonne opinion de son armée l’armée de Chanzy2) mais se désolait des nouvelles de Paris, qu’il ne dit pas. Mais voici qu’arrive une correspondance Saint-Cheron3 du 30, qui dit ceci : que les Parisiens trouvent Trochu4 insuffisant, <nom illisible> a refusé de le remplacer, et aurait demandé au conseil de guerre une permanence. Que trop chu prendrait le commandement de la première armée, que Ducrot5 aurait disparu, on le croirait parti en ballon pour éviter la possibilité d’être pris par les prussiens qui le tenaient pour parjure comme prisonnier de guerre mais le fusil aurait le cas échéant. Que les Parisiens seraient <mot illisibe> par l’aveu du rapport qui avoue la supériorité de l’artillerie prussienne sur la nôtre. Un autre rapport devait paraître et chercher à atténuer cet aveu et l’effet qu’il a produit. Rosny6 aurait beaucoup souffert et cependant ce fort pourrait tenir longtemps ce cours. Et les Parisiens demeureraient fermes Malgré tout ! Les maires de Paris se seraient réunis et auraient été satisfaits des paroles de M. Jules Favre7.

À Vendôme, nous avons eu le 31,un avantage réel sérieux certain ! Bourbaki8 était à Bourges il y a encore peu de jours.

Et Arthur, et Stofflet ?? chers amis chéris on n’en peut plus.

Marie [Radziwill] m’écrit du 27 son papier est imbibé de ses larmes. Le 24 son mari9 allait bien... mais depuis ?

Mon vieux voisin Des Muliers se meurt sans pouvoir mourir. Il est très édifiant et sa femme admirable.

Et M. Debrais, et nos chers Rességuier10, parlez-moi d’eux tous ?

1Château de Juigné, à Juigné-sur-Sarthe (Sarthe). C'est la propriété des Leclerc de Juigné auxquels les Castellane sont alliés par le mariage de leur fille Madeleine (1847-1934) avec Antoine de Castellane.

2Chanzy, Alfred Antoine Eugène (1823-1883), général. Il fut nommé commandant de l'armée de la Loire pendant la guerre franco-prussienne. Élu des Ardennes à l'Assemblée nationale de 1871, il siégea au centre gauche. Le 10 décembre 1875, il est élu sénateur inamovible. Son attachement au maréchal Mac Mahon et son hostilité à la politique anticléricale l'éloigne peu à peu de ses amis du centre gauche.

3Fondé en 1848 par Saint-Chéron, ce périodique avait pour finalité de mettre en rapport les différentes périodiques d'obédience légitimiste.

4Trochu, Louis Jules (1815-1896), général français. Aide de camp de Bugeaud, puis du prince Louis-Napoléon, il vota néanmoins contre l'Empire, mais n'en fut pas moins nommé colonel, puis général (1854). Nommé gouverneur de Paris pendant la guerre franco-allemande de 1870, il devient, suite à la proclamation de la République, président du Gouvernement de la défense nationale, le 4 septembre 1870. Soupçonné d'incapacité, on exige sa destitution le 19 janvier; il démissionnera trois jours plus tard après une fracassante déclaration au cours de laquelle, il suggère la capitulation.

5Ducrot, Auguste Alexandre (1817-1882), militaire et homme politique. Général de division, il commandera quelques jours plus tard la bataille de Buzenval (19 janvier 1871). Elu à l'Assemblée nationale du 8 février 1871 par le département de la Nièvre, hostile à la République, il rejoignit les bancs de l'Union des droites. Nommé commandant en chef de la 8ème armée à Bourges le 1er septembre 1872, il démissionnera de l'Assemblée.

6Construit de 1840 à 1846, le fort de Rosny destiné à assurer la défense de la capitale est implanté sur la colline de Montreuil surplombant le plateau d’Avron.

7Favre, Jules (1809-1880), avocat et homme politique. Il devint vite l’un des chefs les plus célèbres du Barreau de Paris, principalement dans les affaires politique. Ardent républicain, il fut secrétaire général au ministère de l’Intérieur, en 1848, sous Ledru-Rollin. Élu lors des élections partielles de 1858, il devint l’un des chefs de l’opposition républicaine au Corps Législatif. Avec quatre autres républicains (Ollivier, Darimon, Hénon, Picard), il forma, à partir de la session de 1859, le groupe dit des Cinq, opposition majeure à l’empire autoritaire jusqu’en 1863. Il fut réélu en 1863. Après la chute de l’Empire, il se vit confier le poste de ministre des Affaires étrangères ; il se chargea d’organiser la résistance aux Prussiens et négocia un traité de paix.

8Bourbaki, Charles Denis Sauter (1816-1897), général.

9Le prince Antonin Radziwill, duc de Nieswill, l’époux de Marie combattait dans l'armée prussienne.

10Les Rességuier, notamment Albert de Rességuier, sont des amis proches de Falloux.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «4 janvier 1871», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1871,mis à jour le : 03/01/2021