CECI n'est pas EXECUTE 14 janvier 1872

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14 janvier 1872

Sosthène de La Rochefoucauld à Alfred de Falloux

Paris, 14 janvier 1872

Mon cher comte,

Je vous remercie de votre aimable lettre et j’aime, croyez-le bien, à me rappeler l’accueil si bienveillant que vous m’avez fait, lorsque j’ai pensé pour la première fois me présenter au conseil général1. J’ai toujours eu pour vous une grande admiration, aussi suis-je très attristé lorsque je me vois séparé par des nuances d’un homme vers lequel mon cœur et mon esprit me porte si vivement.

Je suis persuadé que la division du parti légitimiste et le plus grand malheur qui pouvait nous arriver, sans-elle M. le comte de Paris avait déjà été voir M. le comte de Chambord, mais je comprends l’embarras de ce prince, lorsque la plus grande partie des légitimistes lui demande d’aller voir son aîné et lorsque d’autres l’engagent à n’en rien faire.

Pour moi le salut est là, les princes d’Orléans doit s’incliner devant le roi et tant qu’ils ne le feront pas, ils continuent l’œuvre de destruction commencée par Égalité est continué par eux jusqu’à ce jour. J’en suis d’autant plus désolé que je crois à M. le comte de Paris de nobles instincts et que sa nature droite plairait à M. le comte de Chambord. Tout mon espoir est dans l’attente de ces deux princes, sinon des malheurs affreux sont imminents.

Quant à donner le pouvoir à M. le duc d’Aumale2, sans en recevoir l’ordre de M. le comte de Chambord, ni mes amis, ni moi nous ne le ferons.

Ma conviction profonde est que M. le duc d’Aumale mis à la tête du pouvoir ne pourrait plus le quitter, voulut-t-il sincèrement tenir ses engagements. Je vois d’ici tous les conservateurs se précipitant à ses genoux pour le supplier de ne pas agiter ce pays qui a tant besoin de repos et le forcer à rester dans le statu quo.

Oui, M. le duc d’Aumale, en admettant son entière bonne foi, je le répète, seraient entraînés à garder le pouvoir et alors la révolution n’aurait fait que changer de nom et de forme.

Et d’ailleurs je vous le dis franchement je crois ce prince indécis imbu d’idées fausses et peu capable.

Quant aux propositions que vous nous avez faites, laissez-moi vous dire qu’elle m’avait aucune chance d’être acceptée par Mgr et par conséquent par ceux de nos amis qui pensent qu’avant tout il faut s’unir au prince dans la force et dans un principe.

Le comte de Chambord est pour moi l’étoile du firmament qui a guidé les rois mages au pied du sauveur et je persiste à croire que son règne arrivera…

sans lui la France est perdue. Mais que l’horizon est sombre et que de rage à supporter avant d’arriver au but.

L’union pouvait nous en préserver. Si vous saviez avec quelle peine, j’entends publiquement nos amis communs parler du prince dans des termes désolants, ces légitimistes là sont républicains et je sais pourquoi ils se croient légitimistes, leur place n’est pas à côté de.

Oui mon cher comte, employer votre grande intelligence à nous réunir. Mais croyez-moi, nous vous adressait pas à ce qui reste uni sur le terrain des principes. Ils sont bien plus conciliants que vous ne le pensez, permettez à celui qui les voit chaque jour de vous le dire. Pas plus que le roi, pas plus que vous, ils ne veulent de l’absolutisme ils veulent de la vraie liberté de celle qui permet de bien empêche le mal.

Mais je m’arrête j’ai déjà été trop long et pourtant je ne l’ai pas été assez pour développer ma pensée entière, permettez-moi donc de la terminer verbalement, lorsque j’aurai le plaisir de vous revoir et en attendant, mon cher comte, veuillez agréer l’assurance de mes sentiments les meilleurs les plus sincères et les plus dévoués.

La Rochefoucauld Bisaccia3

1Du Maine-et-Loire où le duc a ses propriétés.

2Henri d'Orléans, duc d'Aumale (1822-1897), quatrième fils de Louis-Philippe. Les fusionnistes, Falloux le premier songent alors au remplacement de Thiers qui penche de plus en plus en faveur de la République, par le duc d'Aumale, afin de faciliter la restauration monarchique.

3La Rochefoucauld, Marie-Charles-Gabriel-Sosthène, duc de Bisaccia, puis duc de Doudeauville (1825-1908), homme politique. Élu à l'Assemblée nationale en 1871, il sera réélu de 1876 à 1889. Légitimiste, il contribua au renversement de Thiers, puis après avoir tenté, en vain, de convaincre le comte de Chambord de s'engager dans la « fusion », il déposa le 15 juin 1874 une proposition en faveur d'une restauration immédiate qui ne recueillit que 64 voix.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «14 janvier 1872», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1872,mis à jour le : 03/01/2021