CECI n'est pas EXECUTE 12 septembre 1853

Année 1853 |

12 septembre 1853

Charles Brifaut à Alfred de Falloux

Paris, 12 septembre 1853

 

Ah, que votre lettre m’a fait de bien ! Comme elle m’a rajeuni ! Comme elle m’a rendu mon âge d’or ! Je rêve encore de bonheur. Il me semble que je suis retourné à ce délicieux temps où nous pleurions ensemble vous savez bien sur qui et sur quoi. Combien de souvenirs sacrés nous avons en commun ! Je les mêle dans mon cœur avec votre nom. Je date de ces temps-là. Je crois qu’auparavant je n’étais pas né. Et vous, vous aviez déjà cette âme dont les circonstances ont déployé l’énergie et montré toutes les ressources : vous étiez déjà Marcellus1. Comment ne pas m’applaudir de rentrer en possession de ce précieux passé et d’en faire du présent ? J’aime à enrichir ma pensée aux dépens de ma mémoire. Plus je fouille dans ce dernier trésor, plus j’y trouve de quoi vous aimer et vous honorer. Quand j’entends prononcer votre nom avec les éloges qui lui sont dus, je suis fier de vous avoir deviné. Faut-il que la providence, qui a tant fait pour vous, n’ait pas achevé son ouvrage en vous donnant une santé qui vous rende à vous et à nous ? Mais j’ai vu avec plaisir que vous repreniez possession de vous tout entier. Ainsi nous vous reverrons à la tribune ; nous entendrons encore de nobles paroles ; nous apprendrons encore à tirer de nouveaux filons de cette mine d’or qu’on appelle votre esprit. Mon dieu procurez-nous donc bien vite cette satisfaction. Nous remarquions il y a peu de temps que de ce bouleversement social qui devait faire surgir une foule de talents inconnus, il n’était sorti que vous. Vous êtes trop modeste pour dire : moi seul et c’est assez. Je ne suis pas assez flatteur pour reprendre c’est vrai ; mais je suis assez juste et assez éclairé peut-être pour déclarer que c’est beaucoup. Grand merci des nouvelles satisfaisantes que vous me donnez sur Madame de Falloux2 et sur son enfant3. Je veux tout pour vous : le bonheur et la gloire. Envoyez-moi donc, je vous en prie, si vous l’avez conservée, la lettre où je vous félicitais sur cet vie charmante que vous vous étiez faite à deux. J’ai besoin de ce papier. Plus tard, je vous dirai pourquoi. Du reste j’ai beaucoup réfléchi au projet qui vous occupe et je pense que pour arriver à votre but, votre présence est nécessaire ici. On ne fait rien de bien par procuration dans le pays que j’habite et où je vous souhaite. Dépêchez-vous de terminer votre château pour venir acheter ici le mobilier, dont la première pièce est un bon fauteuil. À propos de fauteuil, j’oublie que vous avez la chaise <mot illisible>. À propos de chaise <mot illsible> je voudrais bien avoir une chaise de poste pour courir après vous. À propos de courir, je n’en jouis plus et je n’ai que la force de vous embrasser et de tomber aux pieds de Madame de Falloux, avec des millions de souhaits pour son retour et pour le vôtre.

Brifaut

1Général romain, vainqueur des guerres puniques.

2Marie de Falloux, née de Caradeuc (1821-1877).

3Loyde de Falloux (1842-1881), fille unique des Falloux. Atteinte de nanisme, elle était de santé fragile.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 septembre 1853», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1853,mis à jour le : 14/01/2021