CECI n'est pas EXECUTE Ier décembre 1853

Année 1853 |

Ier décembre 1853

Charles Brifaut à Alfred de Falloux

Paris le 1er décembre 1853

Eh bien, vous n’êtes donc pas encore délivré a malo. Votre santé n’est pas complète. L’homme-machine ne se combine pas bien chez vous avec l’homme intelligence. C’est un état qui ne peut durer, mon cher Alfred. L’équilibre ne peut manquer de se rétablir entre vous et vous. Le ciel qui fait tout bien, ne vous laissera pas longtemps incomplet. Vous êtes un de ses favoris. Il vous a donné une âme aussi élevée que votre caractère est ferme. Il vous a placé dans des positions qui auraient semblé insurmontable à tout autre que vous, et vous en êtes sorti avec gloire. Vous avez maintenant dans l’histoire une page plus que brillante. Vous avez sauvé la Capitole, mais comme les cygnes et non comme les oies. Votre chant ne vous a pas tué grâce au ciel! Vous pouvez jouir des bénédictions de ceux qui vous ont dû la vie c’est une belle position historique. Vous voilà immortalisé, mais ce n’est pas tout. Maintenant il faut vivre et bien vivre. Si j’avais là haut des protections autant que vous en devez avoir, comme j’y intriguerais en votre faveur ! C’est quand je suis mécontent de votre santé que je connais l’étendue de mon amitié pour vous. La mienne m’intéresse moins, parce qu’elle n’est nécessaire à personne. Mais vous, vous, mon cher Alfred, vous êtes devenu propriété nationale. Tout ce qui pense bien s’intéresse à votre conservation. Notre pauvre duchesse de Rauzan1 que vous devez aimer, car elle vous aime, est assez souffrante d’un panari au pouce de la main droite. Son mari a la goutte. Beaucoup de santé sont maintenant compromises, mais l’Impératrice2 se porte bien et nous promet un héritier du trône. Qu’il n’aille pas imiter le roi de Rome, ni le duc de Bordeaux, ni le comte de Paris. Les héritiers des souverains n’héritent guère par le temps qui court. Le métier d’enfant royal ne vaut plus rien. Mais qui vaut quelque chose aujourd’hui ? Les caractères comme le vôtre et les cœurs comme le mien. Je ne me maltraite pas.

Mille tendres amitiés.

Brifaut

Je suis au pied de la charmante comtesse3.

1Rauzan, Claire Henriette Philippine Benjamine, duchesse de (1799-1863), fille de la duchesse de Duras, elle avait épousé le duc Henri-Louis de Rauzan en 1819.

2Eugénie de Montijo (1826-1920), épouse de Napoléon III, elle n’aura qu’un fils Louis-Napoléon Bonaparte (1856-1879), dit le prince Napoléon.

3Marie de Falloux, son épouse.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Ier décembre 1853», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1853,mis à jour le : 14/01/2021