CECI n'est pas EXECUTE 25 août 1884

1884 |

25 août 1884

Albert de Broglie à Alfred de Falloux

Broglie (Eure), 25 août 1884

 

Cher ami, je repense beaucoup et souvent à la nouvelle que vous m’avez donnée d’un projet d’encyclique sur le libéralisme et j’avoue qu’en y pensant j’en suis toujours plus effrayé. Léon XIII que j’estime et admire beaucoup n’a jusqu’ici pas eu la main heureuse quand il s’est occupé des affaires de France. Il a toujours parlé à bonne intention mais assez maladroitement et mal à propos. Je craindrais un coup malheureux de cette espèce.

Si votre renseignement a une véritable valeur, est-ce qu’il n’y aurait pas avantage à le faire parvenir au ministère belge ? Il l’a probablement et prend des précautions en conséquence. Mais en fait de précaution ce qui a <deux mots illisible et il est certain que si quelqu’un peut avoir une influence sérieuse à Rome en ce moment, c’est le ministère Malou1 qui a fait au pape le plaisir de rétablir la légation de Bruxelles et qui vient de remporter le premier succès considérable que les catholiques aient obtenus depuis l’avènement de Léon XIII. Ce ministère a certainement le plus grand intérêt à ce qu’on ne parle pas maladroitement du libéralisme. Mérode2 serait certainement en mesure de faire dire à Bruxelles ce qui vaudrait la peine d’être dit.Voyez si vous trouvez que mon avis est bon, et suivez-le vous-même ou mettez-moi en mesure de le suivre si vous l’approuvez.

Mille amitiés bien dévouées.

Broglie

Je n’ose plus signer Albert.

1Malou, Jules Édouard François Xavier (1810-1886), homme d’état belge. Elu député en 1841, Gouverneur de la Province d'Anvers de 1844 à 1845, il est nommé Ministre des Finances de 1845 à 1847, puis ministre d’État en 1870. Il devient chef de gouvernement du 7 décembre 1871 au 19 juin 1878.

Suite à la démission du ministère libéral Frère-Orban, le Roi le chargea le 16 juin 1884 de former un nouveau gouvernement. Leader incontesté de l'opposition catholique, enhardi par le succès des catholiques aux élections sénatoriales , ses premiers actes furent de supprimer le ministère-symbole de l'Instruction publique (créé en 1878). Il se hâta par ailleurs de rétablir la légation belge auprès du Vatican et fit voter une loi donnant aux communes la faculté d’adopter une école libre ou de maintenir une école officielle. Attaqué sur sa droite extrême (les catholiques ultramontains jugeant ses mesures insuffisantes) et par la gauche, il fut néanmoins contraint de démissionner le 25 octobre 1884.

2La maison de Mérode fait partie de la haute noblesse belge. A ce titre, Werner de Mérode a des liens avec les dirigeants de la Belgique, en particulier dans les milieux catholiques.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «25 août 1884», correspondance-falloux [En ligne], 1884, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 25/01/2021