1882 |
28 avril 1882
Albert de Broglie à Alfred de Falloux
28 avril 1882
Cher ami
Vous aviez compris mon silence et je comptais bien sur votre sympathie. Ma sœur1 nous a été enlevée en trois jours, par une maladie dont la marche a été d’une rapidité foudroyante. Mon beau-frère, ma nièce absente, n’ont eu que le temps d’accourir pour la revoir encore et être reconnu d’elle. Toute cette maison reste désolée et le vide est immense. Je n’ai, comme vous le dites si bien, rien à apprendre sur la douleur et sur la mort. Mais les pertes qui se succèdent renouvellent tous les souvenirs. Vous ne le savez que trop, et votre expérience vous fait deviner tout ce que sentent ceux que vous aimez. Je viens de recevoir un billet de la part de Mackau qui me fait espérer votre arrivée bien prochaine. J’espère que nous aurons le temps et la jouissance de causer au milieu des miens qui nous environnent c’est bien la dernière chose qui mérite le nom de plaisir.
Decazes2 a dû vous remercier de votre envoi, et nous attendons vos volumes. Si vous êtes attaqué, je compte bien que vous serez défendu. Mais je doute un peu de l’attaque. Le terrain est mauvais. On a toujours tâché de faire croire que derrière le drapeau il y avait d’autres questions mystérieuses dont celle-ci n’était que le prétexte. Je m’attends à des insinuations de ce genre, plutôt qu’à une polémique sur un point même dont on sent le ridicule. Reste à savoir si ces insinuations prendront un corps qui appelle et permette une réponse. Vous serez ici pour en délibérer.
Mille amitiés bien tendres.
Broglie
1Haussonville, Albertine Louise d', née de Broglie (1818-1882), épouse depuis 1836 fr Joseph Othenin de Cléron d’Haussonville, comte d’Haussonville (1809-1884).
2Decazes et de Glücksberg, Louis de (1819-1886), homme politique. Élu député orléaniste de la Gironde à l’Assemblée nationale de 1871, il fut l’un des chefs de file du centre droit. Devenu ministre des Affaires étrangères (1873-1877), il dénoua la crise franco-allemande de 1875.
