CECI n'est pas EXECUTE 19 mai 1850

Année 1850 |

19 mai 1850

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

19 mai 1850

Cher ami, Je suis toujours honteux de me laisser devancer par vous et cependant je m'y laisse toujours prendre car je n'ai hélas que de trop bonnes raisons pour cela. Je me trouve à peine assez de forces pour suffire à ce qui est exigé de moi ici et je me repose sur votre rare amitié pour me plaindre et me faire pardonner même par autrui s'il y avait lieu! J'écris cependant quatre lignes au Duc1, vous les compléterez encore amicalement – l'article de M. Laurentie2 serait très passable sans le second qui le suit immédiatement. Parlez-lui ou faites lui parler, je vous en prie avec énergie, car ce sujet sera de la dernière importance tant que nous n'aurons pas complètement passé au régime russe ou musulman! La réponse du pape me comble de joie toutefois je n'ai encore reçu aucune copie ou analyse de sa teneur. Si vous pouvez m'en faire expédier quelque chose par la nonciature vous me ravirez.

Si je n'étais pas si près de mon lit et si chambranlant sur mes jambes j'aurais grande tentation d'aller voter la loi électorale à Paris3, mais tous ceux qui me voient ici, médecins et amis, m'en déclarent incapables et ma faiblesse incontestable me range forcément de leur avis. Consolez-moi un peu par vos nouvelles et toutes les conjectures un peu autorisées en fait d'émeute. On me promet du reste, pour mon honneur, que dans ce cas, j'aurais autant de besogne à Angers qu'à Paris.

Cela ne m'empêche pas de conserver encore quelque soucy (sic) pour les commissions dont je vous avais surchargé. Le chocolat est-il entre les mains de Mme Potocka4 et avez-vous pris vos suretés pour qu'il arrive en mon nom, dans celles de M. de Larcohe. Les affaires étrangères ont-elles expédié les paquets Réyat, Balbo5, Mackau6 et Apponyi7.

Les nouvelles de Nice sont très bonnes. Ma mère s'associe bien vivement à l'espérance de vous tenir ici très cher ami. A vous de cœur. Alfred.

 

1Sans aucun doute Valmy duc de François Christophe Édouard de Kellermann (1802-1868), diplomate et homme politique. Petit-fils du célèbre général de la République, Kellermann, créé duc et maréchal par Napoléon. Ses convictions légitimistes l'amenèrent à renoncer à la carrière diplomatique en 1833. Élu à Toulouse en 1842 et en 1846, il vota constamment avec la droite. Depuis la révolution de février 1848, il était rentré dans la vie privée.

2Pierre-Sébastien Laurentie (1793-1876)), journaliste et écrivain. Entré dans l’équipe éditoriale de La Quotidienne, organe des légitimistes en 1818, il fut nommé chef inspecteur des études en 1823, poste dont il démissionna en 1826. Il écrivit plusieurs ouvrages dont Études littéraires et morales sur les historiens latins (1822), Introduction à la philosophie (1826). Considérations sur les constitutions démocratiques (1826). Après 1830, il se consacra à trois grandes causes ; la liberté de l’enseignement, le légitimisme et la défense de la religion. A partir de 1848, il exposa à longueur de colonnes dans L’Union les principes du légitimisme, jugeant avec une grande sévérité la famille d’Orléans. Adversaire résolu de la ligne adoptée par Berryer et Falloux, il demeura toujours fidèle au comte de Chambord, dont il fut après la chute de l’Empire, le confident.

3Il s'agit de la loi adoptée le 31 mai 1850 par la majorité conservatrice de l'Assemblée qui restreignait le suffrage universel en le soumettant à une condition de trois ans de résidence fixe. Elle aboutissait à réduire le corps électoral de près d'un tiers.

4Delfina Potocka (1807-1877) amie et muse du compositeur Frédéric Chopin.

5Cesare Balbo, comte de Vinadio (1789-1853), homme politique et historien piémontais. Il servit Napoléon Ier, puis entra dans l’armée sarde. Libéral modéré, il présida le premier gouvernement constitutionnel piémontais (mars-juillet 1848). Envoyé en mission à Rome, il tenta en vain de sensibiliser le pape Pie IX à la cause de l’unité italienne. Il fut l’auteur de Speranze d’Italia, livre dans lequel il identifie l’indépendance passée de l’Italie avec la papauté. Comme Azeglio, il jugeait plus prudent de confier au pape le rôle de guide spirituel de l’unité italienne. Il n’en considérait pas moins qu’une réforme de l'Église était indispensable.

6Annette de Mackau, comtesse de Saint-Alphonse,dame du Palais de l'impératrice Joséphine (1790-1870). Les Falloux étaient liés à la famille Mackau par leur mère Louise-Thérèse Fitte de Soucy dont le père François Louis de Fitte, marquis de Soucy avait épousé, en 1774, Renée-Suzanne-Marie-Louise de Mackau.

7Famille de diplomates autrichiens. Falloux avait des relations avec Rudolf Apponyi (1802-1853) qui avait été attaché à l'ambassade d'Autriche à Paris de 1826 à 1850. Il a laissé un journal intéressant, 25 ans à Paris (1826-1850). Journal du comte Rodolphe Apponyi, attaché de l'ambassade d'Autriche-Hongrie à Paris / publié par Ernest Daudet, Paris, Plon-Nourrit, 1913, 4 vol.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «19 mai 1850», correspondance-falloux [En ligne], Année 1850, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Années 1848-1851, Seconde République,mis à jour le : 21/04/2021