CECI n'est pas EXECUTE 18 décembre 1863

Année 1863 |

18 décembre 1863

Joseph Autran à Alfred de Falloux

Paris, rue du Colisée, ce 18 décembre 1863

Monsieur le comte,

J’aurais voulu m’acquitter avec empressement de la commission que vous m’avez fait l’honneur de me donner auprès de M. Vitet1; mais il n’est pas en ce moment à Paris. Je ne pourrais le voir chez lui, m’a-t-il dit le jour où je le rencontrai, qu’après le Ier de l’an.

Quant à M. de Carné2, il est arrivé avant-hier et demeure rue du bac, passage Sainte-Marie 3. On m’a répondu à sa porte qu’il ne pourrait recevoir que dans quelques jours.

Le lendemain du jour où j’avais eu l’honneur de vous écrire, je vis M. Mignet3 et lui parlais de cette concurrence possible de M. de Lavergne4, il en parut étonné, ayant depuis peu causé à l’Institut avec M. de Lavergne, qui ne lui avait rien dit de ses intentions.

Mais M. Mignet me parla d’une autre préoccupation : il avait vu, dans un salon, Madame Lenormant5 et avait recueilli d’elle quelques paroles qui exprimaient la crainte que M. Guizot n’accorda à son vote à M. C. Doucet6. On se souvenait a ce propos que M. Guizot, dans le scrutin 2 février 1862, avait une ou deux fois voté pour ce candidat7.

Je m’abstiens, Monsieur le comte, de vous transmettre divers autres bruits qui n’ont peut-être pas grande importance, ne voulant pas d’ailleurs fatiguer cette bienveillante attention dont je n’ai que trop abusé dans de précédentes lettres.

Recevez, Monsieur le comte, la nouvelle expression de ma reconnaissance et de mon respectueux dévouement.

Autran

 

1Vitet, Louis-Ludovic (1802-1873). Ancien élève de l’École Normale Supérieure, il collabora au Globe et publia divers ouvrages. Élu député de Bolbec (1834), il devint vice-président du Conseil d’État. Le 8 mai 1845, il entra à l’Académie française. Député à la Législative, il siégea avec la droite monarchiste. Il se retira dans la vie privée après le coup d’État. En 1871, il se fit élire à l’Assemblée Nationale. Il publia plusieurs ouvrages dont, De l’état actuel du christianisme en France, en 1867.

2Louis Joseph Marcein Carné, comte de (1804-1876), historien et journaliste légitimiste ; attaché et secrétaire d'ambassade sous la Restauration ; il s’était rallié à la Monarchie de Juillet. Il fut un de ceux qui collaborèrent au Correspondant dés sa fondation.. Député du Finistère (collège de Quimper) de 1839 à 1848, il appartint au Parti social de Lamartine, puis défendit les intérêts catholiques. Sous le Second Empire, il collabora au nouveau Correspondant, au Journal des Débats, à la Revue des Deux Mondes et à la Revue Européenne. Il était entré à l’Académie le 23 avril 1863.

3François Auguste Mignet (1796-1884), journaliste et historien. Il collabora avec Thiers au National (1829-1830). Auteur de divers ouvrages d’histoire dont une Histoire de la Révolution française (1824). Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales et politiques à partir de 1837. Très proche de Victor Cousin, il fut choisi avec Barthélémy St Hilaire et le notaire Fremyn comme exécuteur testamentaire.

4Candidat soutenu par F. Guizot auquel il était lié depuis son entrée comme directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur (Rémusat) dans le gouvernement Guizot, Léonce de Lavergne ne sera en définitive jamais élu à l'Académie française. Lavergne, Léonce Louis Gabriel Guilhaud de (1809-1880), économiste, homme politique et homme de lettres. Après avoir entamé une carrière de rédacteur à la Revue du Midi et au Journal de Toulouse, il était entré au Conseil d’État (1842). Élu du Gers de 1846 à 1848, il sera réélu député de la Creuse à l'Assemblée nationale en 1871, siégeant avec le centre-droit. Il sera nommé sénateur inamovible en 1875.

5Lenormant Marie-Joséphine dite Amélie Cyvoct (1804-1893), petite nièce et fille adoptive de Mme Récamier. Elle collabora au Correspondant sous le pseudonyme de Léon Arbeau.

6Doucet, Camille (1812-1895), directeur général de l’administration des théâtres, élu à l’Académie française le 7 avril 1865, secrétaire perpétuel en 1876.

7Autran est alors soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «18 décembre 1863», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1863,mis à jour le : 19/02/2021