CECI n'est pas EXECUTE 23 décembre 1875

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23 décembre 1875

Rodolphe Apponyi à Alfred de Falloux

23 décembre 1875

Bien cher ami, si je n’avais été convaincu que vous en sauriez, sur la mort du pauvre Augustin Galitzin1, beaucoup plus long que moi, je vous aurais écrit depuis longtemps. Connaissant votre profonde amitié pour lui, j’ai bien souvent pensé à votre chagrin et au regret que vous avez dû éprouver d’avoir quitté Paris peu d’heures avant sa fin. Je tiens les détails suivants d’Orloff2 et d’Oriane3, qui tous deux ont vu la princesse4 et le pauvre mort. Il paraît qu’il était bien changé et avait un côté de la face noire, par suite de la gangrène qui avait atteint le visage, pendant les dernières heures. Vous savez que la princesse était allée à Sablé la veille. Elle en est revenue à quatre heures du matin accompagnée de son gendre, et à 1h30 l’après-midi Augustin a expiré. Pendant la dernière nuit qui a été très mauvaise et où il rendait ses excréments dans la bouche, il ne cessait d’appeler sa femme, et craignait qu’elle n’arrivât trop tard. Il a gardé sa connaissance jusqu’au dernier moment et n’a pas eu d’agonie proprement dite. Dès le lendemain soir, les deux fils5 ont conduit le corps dans leur petite propriété de la Creuse6 et samedi la princesse est partie pour Sablé, où sa fille, en attendant, avait tout appris, sans qu’il paraisse s’en être suivi une crise nuisible à sa santé. Voilà tout ce que je sais ; c’est peu. Mais mon excuse et dans une réclusion et dans le peu de monde que je vois. Cependant je vais mieux, après avoir été bien souffrant depuis votre départ. Les glandes à l’aine droite, restée très enflée, m’empêchait absolument de marcher. Mais cela n’a duré que trois jours et grâce à Dieu et aux remèdes de friction dissolvante, j’ai retrouvé un peu de liberté dans les mouvements. Les progrès sont lents mais constants et j’entrevois le commencement de la fin avec un certain plaisir.

Mes deux chers anges gardiens ont été bien touchés de votre affectueux souvenir, et moi de celui de Madame de Castellane. Parlez-lui de ma reconnaissance et de toute ma sympathie.

Je n’ai plus le temps d’aborder d’autres sujets ; j’ai eu des visites qui m’ont fait perdre une partie du temps que je voulais vous consacrer. Ce sera pour la prochaine fois. En attendant je vous embrasse de cœur en vous remerciant encore de tous les bons moments que je vous ai dû ces derniers temps.

Rodolphe

 

1Il venait de mourir, le 17 décembre 1875.

2Orlov, Nikolaï Alekseïevitch, comte d’(1827-1885), prince russe. Diplomate et écrivain militaire.

3Orianne Henriette de Montesquiou-Fezensac (1813-1887).

4Stéphanie, princesse Galitzin, né de la Roche-Aymon (1815-1885), son épouse depuis 1844.

5Stéphane (1853-1885) et Boris (1855-1916).

6La famille Galtzin y possédait le château de Châtain, dans la commune d’Arfeuil-Châtain.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «23 décembre 1875», correspondance-falloux [En ligne], 1875, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 20/02/2021