1876 |
12 mai 1876
Rodolphe Apponyi à Alfred de Falloux
Venise hôtel Danioli 12 mai 1876
Bien cher ami, j’ai hâte de remplir ma promesse par quelques lignes de bulletins sur notre voyage et ma santé.
Nous n’avons pu quitter Paris que samedi, tant le temps était mauvais et mon état peu satisfaisant. Le voyage s’est accompli avec les plus grandes précautions. Mon fils1 nous a donné un jeune médecin pour nous accompagner jusqu’ici. Nous avions un wagon salon, avec un lit. Enfin j’ai voyagé comme une princesse malade. À Milan nous avons reposé trois jours, pendant lesquels je n’ai pas quitté ma chambre, tant j’étais faible et mal en train. Cependant je ne puis dire que le voyage m’ait fait du mal ou que je sois moins bien que la dernière semaine à Paris. Mais l’absence d’appétit et l’abattement moral est toujours le même ce qui est désolant pour moi et mon entourage. Alex m’a soigné comme la plus tendre des filles. Je ne vous parle pas d’Annette2, toujours sereine, douce et soigneuse. J’ai forcé Alexandre à repartir hier soir pour Pecs3, où il a déjà perdu une quinzaine précieuses à cause de moi. Hélène4 arrive demain soir avec mari et enfants. Voyez qu’au fond je n’ai pas le droit de me plaindre et que le ciel m’envoie d’amples et douces consolations. Et cependant je suis triste et malheureux et ai les plus noirs pressentiments !...priez pour moi ami chéri pour que je me rétablisse et puisse jouir de toutes les affections dont je suis entouré.
Je n’ai pas la force de continuer et vous embrasse du plus profond de mon cœur.
Rodolphe
1Alexander Apponyi von Nagy-Appony (1844-1925), son fils, diplomate.
2Annette Apponyi, née de Benkendorff (1818-1900), son épouse.
3Ville de Hongrie.
4Hélène Apponyi, princesse de Borghese (1848-1914), sa fille.
