CECI n'est pas EXECUTE 29 septembre 1856

Année 1856 |

29 septembre 1856

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

29 septembre 1856

Très cher ami,

De toutes les choses aimables que vous pouviez avoir envie de me dire, vous avez certainement choisi la meilleure et la plus puissante, en me disant que vous aviez emporté l’envie de nous revenir ! Gardez, gardez bien je vous en supplie cette chère impression. Permettez-moi de croire que vous l’avez surtout reçu du bonheur que vous me causiez et cet attrait là, soyez-en sûr, ne s’affaiblira jamais. Remerciez Madame de Montalembert1 de la part qu’elle a prise dans ma joie par le consentement qu’elle y a donné, remercier Melle Élisabeth2, Melle Catherine3, Melle Madeleine4 et même Melle Généreuse de lui avoir fait illusion sur votre absence, remerciez La Roche en Breny5 et toutes les courtoisies envers le Bourg d’Iré et surtout, cher ami, remerciez vous vous-même en attendant que je me trouve une langue à la hauteur de ma tendre reconnaissance. Je vous écris ici au fond d’une métairie, où je suis venu passer une semaine pour affaires. J’y suis séparé de toute mes correspondances et notamment de votre dernière lettre, pardonnez-moi donc si j’y réponds très incomplètement et n’en tirez nulle conséquence. Les nouvelles que vous me donniez d’Orléans6 sont les seules qui me soient encore parvenus. J’y ai écrit avant mon enfouissement ici ; mais uniquement pour lui communiquer une lettre d’Elie de Dampierre7 me présentant la mort du pauvre Salvandy8 comme presque imminente, à la suite d’un envahissement soudain et démesuré de sa . Heureusement Dampierre est porté à s’éffarer ; néanmoins comme il se préoccupait surtout de son âme et donnait plusieurs indications précises à ce sujet, je n’ai pas voulu garder la lettre pour moi. Je l’ai expédié hâtivement à l’évêque, en lui annonçant que je reviendrais dans une circonstance plus opportune, sur tout ce qui nous intéresse en commun. Quant à Cousin, je lui ai fait et renouvelé mon instante invitation. Il m’avait promis, par Mallac9, sa visite cet automne et il était convenu que je le conduirais à Brezé10 où il veut fouiller des archives ; je m’étonne donc, qu’il ne vous ait pas parlé de ce projet et j’en conclus, avec regret que la réalisation n’en est pas prochaine. L’essentiel, du moins, est qu’il vous est provoqué par sa confiance sur sa grosse affaire, à lui dire, ce que pour mille raisons, nul ne pouvait lui dire comme vous. J’en bénis Dieu et ne puis m’empêcher d’y trouver bien des caractères d’une espérance fondée.

Je misais de jour en jour devant l’idée d’une seconde édition, mais la Veuilloterie de ce matin me semble déterminante et je vais tâcher de me mettre en mesure, si je puis mener cela de front avec le travail de mon discours Molé11, entrepris ici, à travers mes courses de métairies avec l’aide charitable de la plume et du conseil de M. de Bertou.

Je viens de lire aussi avec les yeux, le dernier numéro du Correspondant et nous en avons été également ravis. Le père Lacordaire est magnifique. Vauvenargues12 est charmant, le P. de Valroger13 très opportun, M. d’Héricault14 alléchant, la lettre du cardinal a dû être retouchée, sans quoi vous ne me lauriers pas assez vantée. Vous voyez par ce que je ne nomme pas ce que je n’ai pas encore lu.

Sur le conseil d’Albert de Broglie, j’avais écrit à l’évêque de la Rochelle15, pour le remercier de l’envoi de son mandement ; il m’a répondu courrier par courrier une lettre d’autant plus aimable, qu’elle était antérieure à l’apparition du Correspondant. Cochin nous a quitté avec la fièvre et à peu près résolu à donner sa démission. Corcelles m’a quitté avec les témoignages d’une parfaite harmonie avec nous tous. Je lui ai épargné mon escorte chez Madame de Lamoricière16. A. de Broglie m’a écrit un billet aussi charmant que si vous l’aviez dicté.

Cher ami, je veux finir comme j’ai commencé, en vous remerciant et en vous embrassant. Ma femme en ferait bien autant si elle osait.

Alfred

1Marie-Anne Henriette dite Anna de Montalembert, née de Mérode (1818-1904), veuve de Charles de Montalembert avec qui elle s'était mariée en 1836.

2Élisabeth de Meaux, (1837-1913), fille aînée de Charles de Montalembert et de Marie-Anne de Mérode (1818-1904), elle avait épousé, en 1858, Camille de Meaux.

3Catherine de Montalembert (1841-1926), devenue religieuse du Sacré-Coeur.

4Madeleine de Montalembert (1849-1930), troisième fille des Montalembert. Elle épousera le comte Hemricourt de Grünne.

5Le château de La Roche-en-Bresnil dans le Doubs est la propriété de Montalembert.

7Dampierre, Jean-Baptiste-Élie-Adrien-Roger, marquis de (1813-1896), homme politique. Riche propriétaire des Landes dont il fut le représentant, il est de tradition légitimiste.

8Narcisse Achille de Salvandy (1795-1856) mourut le 15 décembre 1856.

9Jacques Eloi Mallac (1810-1876), maître des requêtes au Conseil d’État, chef de cabinet de plusieurs ministères sous la monarchie de Juillet, il était devenu par la suite préfet, de la Nièvre, puis de l'Hérault.

10Commune du Maine-et-Loire.

11Élu à l’Académie française au fauteuil de Louis Molé, décédé le 23 novembre 1855, Falloux préparait alors son discours de réception.

12Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues (1715-1747), écrivain, moraliste et aphoriste du XVIIIe siècle.

13Valroger, Hyacinthe, P. de (1801-1878), oratorien, théologien érudit.

14Ricault, Charles Joseph de dit d'Héricault (1823-1899), historien et romancier et journaliste, il fut un collaborateur régulier du Correspondant et de la Revue des deux mondes.

15Mgr Landriot, Jean-Baptiste-Anne (1816-1874), nommé évêque de La Rochelle par le décret du 7 avril 1856, puis archevêque de Reims à partir du 30 décembre 1866.

16Marie Amélie, née d'Auberville (1827-1905), veuve du général Juchault de Lamoricière. Elle possède un domaine au Louroux-Béconnais, une commune du Maine-et-Loire.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «29 septembre 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1856,mis à jour le : 03/12/2023