CECI n'est pas EXECUTE 13 octobre 1856

Année 1856 |

13 octobre 1856

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

13 octobre 1856

J’ai été si épouvanté du diapason de votre lettre, cher ami, que je me suis hâté de la mettre sous enveloppe en écrivant à votre correspondant : » Monsieur de M. vous croyant ici m’envoie pour vous cette lettre, que je m’empresse de vous acheminer etc. etc. Je connais la nature des arguments qu’il fait valoir auprès de vous, j’y adhère de tout mon cœur et aussi de suite. J’ajoute, en outre de mon chef, qu’à Rome, l’impression serait la même qu’en France parce que l’anonyme y a été de même interprété et j’y joins enfin des faits à l’appui venus à ma connaissance ». Tout cela est parti dès hier, accompagné de l’indépendance. Revenons maintenant au Correspondant et à ma préface ; ce n’est pas par défaut de résolution, soyez en sûr, cher ami, que je n’ai pas mis plus d’énergie dans les mots mais par un sentiment très réfléchi de la situation, telle que je la comprends. Je crois comme vous, très fermement à une réaction en faveur de la vérité et de la loyauté ; mais cette réaction à peine naissante, n’a pas encore conscience d’elle-même et si nous la violentons nous l’étoufferons. Laissons la donc se développer encore ; laissons les fautes de plus en plus grossières des triomphateurs, s’étaler et se multiplier, puis nous reviendrons pour en tirer nos conclusions avec la chance, alors d’être écoutés et entendus. N’oublions pas, en outre, que le Correspondant disait il y a quelques jours à peine, que son silence et son calme réjouissait les âmes chrétiennes et qu’il allait poursuivre en paix, son œuvre religieuse et littéraire. Ne nous donnons donc pas l’apparence de gens, ou qui n’ont pas assez médité un engagement qu’ils prennent devant le public ou qui n’ont pas assez d’empire sur eux-mêmes pour les garder quelques mois durant. Loin donc d’accorder une place dans le numéro du 25 octobre aux incidents de la dernière heure, je pense au contraire, cher ami, que notre mission et notre force sont de nous montrer insensibles aux provocations secondaires et préoccupés seulement des intérêts graves de notre cause et des charges sérieuses ; je crois aussi, qu’après quinze lettres d’évêques dont plusieurs cardinaux (dont un écrivant et récrivant de Rome) qu’après la triste campagne de l’Ami de la religion et des archevêques aux évêques de notre connaissance, venir dire que l’Univers n’est qu’une œuvre d’illusion et de passion et maintenir en face de lui notre drapeau haut et ferme est en soi-même un acte très significatif et très énergique ; que cet acte sera pris pour tel par la plupart de nos amis et de nos collaborateurs et qu’il y a plutôt besoin de ménagement dans les termes, pour le faire accepter, que de superlatifs pour le faire comprendre.

J’ai envoyé le même projet de préface à M. de Broglie et Cochin. J’attends leurs observations à tout instant. J’en ferai mon profit de mon mieux comme vous pouvez croire ; puis je vous les enverrai, en vous demandant de laisser ma propre rédaction intact, quoiqu’il arrive au dernier moment ; vous laissant maître, bien entendu, cher ami, d’abord et avant tout, de me supprimer ; ensuite de mettre en tête ou en queue ce que vous jugerez définitivement convenable après avoir lu Broglie et Cochin et après avoir pris dans votre sagesse les observations ci-dessus que je vous recommande très instamment. Mon impression personnelle pour cet entête ou en queue, serait d’y prendre le diapason de la petite préface elle-même et de se borner à quelques mots propres à faire ressortir notre union intime, notre persévérance et notre confiance dans les lumières qu’apportera l’avenir à ceux qui ont encore les yeux fermés.

Dixi

Je vous embrasse de tout cœur

Alfred


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «13 octobre 1856», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1856,mis à jour le : 22/03/2021