CECI n'est pas EXECUTE 3 mars 1868

Année 1868 |

3 mars 1868

Alfred de Falloux à Charles de Montalembert

3 mars 1868

Très cher ami,

Je me suis fait traîner la semaine dernière à Angers pour porter secours au malheureux Cumont, à qui l'on intente un procès qui est un chef-d'œuvre d'effronterie cynique. Il doit essayer d'en faire comprendre lui-même la portée dans un article qui vous sera probablement arrivé hier. Si vous ne l'avez pas lu, lisez-le, car s'il a pu l'écrire sans trop d'entraves (ce que je ne saurai que tantôt), il vous intéressera certainement, et vous lui rendrez service si vous pouvez y intéresser à votre tour soit Lavedan, soit tout autre ami dans la presse parisienne ; car les hommes de ce régime qui n'ont plus aucun respect de la justice ou de la vérité, ont encore quelque peur du bruit.

Toutefois ce n'est pas pour cela seulement que je surmonte en votre honneur la souffrance qui ne me quitte presque plus depuis deux mois, mais pour vous dire que j'ai rencontré à Angers M. Bonneau1, lequel a été fort surprise quand je lui ai dit que vous n'aviez point reçu Madame de Miramion2. Il m'a expliqué un malentendu probable de M. Poussielgue et voulait vous en écrire directement. Je le lui ai interdit pour vous épargner une réponse, mais en lui promettant que je vous enverrai moi-même sa justification. J'espère que la lecture du volume vous intéressera comme moi et vous paraîtra tout à fait dans la catégorie Montyon3. Personne, j'en suis convaincu, n'y verra une couronne pour les vertus de la reine Hortense, et je puis vous affirmer que M. Bonneau compte en Anjou parmi les plus indépendants et les plus consciencieux. Mais me croirez-vous jamais sur les angevins !

Nous avons Albert de Rességuier et sa fille pour une semaine encore, puis il gagnera la rue de Grenelle d'où il vous portera de nos nouvelles et surtout vous demandera des vôtres, cher ami. Si M. Claude Bernard4 a tous les mérites qu'on lui prête et ce n'est certainement pas moi qui les lui contesterai, la combinaison avec Autran5 me semble très bonne, et nous ne pouvons, ce me semble rien faire de mieux que de nous y tenir.

Au revoir, au revoir. Ceci est un petit mot qui ne doit compter que pour Madame de Miramion.

Falloux

M. Poussielgue aura dû vous remettre le volume avant l'expédition de ce petit mot écrit moins vite que je ne l'avais promis.

1Bonneau-Avenant, Alfred (1823-1889), écrivain. Il venait de publier Madame de Beauharnais de Miramion, sa vie et ses œuvres charitables, Paris, Poussielgue, 1868.

2Voir note supra.

3Prix de l’Académie française.

4Bernard, Claude (1813-1878), médecin physiologiste. Membre de l'Académie des Sciences (1854) et de l'Académie de Médecine (1861), professeur de physiologie expérimentale au Collège de France en 1855, président de la Société de Biologie, il était entré au sénat en 1869. Auteur de plusieurs ouvrages de médecine et de science, il collaborait par ailleurs à la Revue des Deux Mondes. Il fut élu à l'Académie depuis le 7 mai 1868 en remplacement de Jean-Pierre Flourens.

5Autran, Joseph (1813-1877), poète français. Plusieurs fois candidat à l’Académie française, il était soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. Contraint de se retirer devant Octave Feuillet en 1862, il avait néanmoins été élu le 7 mai 1868, en même temps que Claude Bernard.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 mars 1868», correspondance-falloux [En ligne], Année 1868, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire,mis à jour le : 15/04/2021