Année 1852 |
27 janvier 1852
Alfred de Falloux à Jules de Bertou
27 janvier 1852
Cher ami,
J'ai toujours pensé et parlé de la souveraineté du peuple pire que qui que ce soit, et je ne l'admets nullement dans ma lettre. Je parle d'instincts seulement et du fait, et le fait est pour nous. J'aime mieux le constater que de le laisser confisquer par nos adversaires. Je pense, et je veux pouvoir dire que la France, mise violemment en République a réclamé la monarchie chaque fois qu'elle a pu et comme elle l'a pu. Que croient gagner les monarchistes à publier le contraire pour se donner la satisfaction de crier: l'armée s'est déshonorée, le clergé s'est vendu, le reste est imbécile. Veut-on faire la monarchie future sans l'armée, sans le clergé? Déportera-t-on 4 ou 5 millions d'électeurs qui forment le reste du chiffre? Si je n'ai pas été plus clair, c'est pour ne pas me trop fier à mon tour de force vis-à-vis de la censure, comme vous avez la bonté d'appeler ma petite industrie. Veuillez donc y réfléchir de nouveau et me faire bien comprendre à ceux que le vice de la rédaction peut tromper. Ce n'est pas que je veuille conjurer les clameurs. Je ne les brave pas, car je donnerai ma vie pour qu'elles n'existassent plus, ou du moins les sentiments qui les inspirent, mais c'est un point de vue de notre cause ; pour mon compte personnel je suis affranchi de toute préoccupation de ce genre. Veuillez dire à M. de Valmy et au duc de Noailles que sans me trop trahir, il représente à M. Blavier1 qu'il écrit des lettres antiélectorales si prononcé que cela équivaut à interdire absolument la lice2 à nos amis. Ce n'est pourtant pas là ce qui me semble l'opinion même de lui et de ceux qui veulent seulement tenir en réserve les Gros bonnets3. Cela en outre détourne, absolument aussi, des Bretons par exemple avec lesquels je suis en correspondance de songer à des candidats pris à Paris et plusieurs cependant serait indispensable pour garder les nouveaux venus si quelques-uns échappent à ce Veto. Entre MM. de Saint-Priest4 et des Cars5 interdisant tels et tels noms au profit de leur vues personnelles et M. Berryer interdisant tout nom connu, la gratuité brochant sur le tout, qui voudra se mettre sur les rangs? Les brouillons où les hommes tout à fait nuls ! Je sais qu'on dit: ils ne seront pas là comme légitimistes, que nous importe ! Cela me semble une grande illusion. On les appellera légitimistes bon gré mal gré du moment qu'ils le seront ou l'auront été, et le parti sera toujours, à un degré considérable représenté et par conséquent compromis par leur figure. Veuillez donc lire ceci rue de Bourgogne et rue de Lille. Pour moi ce n'est pas du Bourg d'Iré que je puis lutter. A voir.
Alfred
Vos pilules m'arriveront très à propos. Merci mille fois. Avez-vous dit à Mme Swet[chine] qu'un Union de l'ouest lui avait été retenu et que je n'étais pas responsable de sa non-arrivée.