CECI n'est pas EXECUTE 3 septembre 1868

Année 1868 |

3 septembre 1868

Alfred de Falloux à Anna de Montalembert

Bourg d’Iré, 3 septembre 1868

Chère Madame,

M. Cochin m’a transmis votre précieuse lettre, et je vous remercie d’avoir pensé à moi comme j’en ai déjà remercié M. de Montalembert c’est-à-dire avec un cœur bien profondément ému. Vous nous rendez à l’espérance, ou plutôt à la sécurité ; mais vous pouvez remarquer que je plaide toujours pour le superflu. Les gens qu’on trouve assez heureux avec le strict nécessaire sont ceux qui ne nous touchent pas beaucoup. Vous me pardonnerez donc si, après avoir plaidé cette thèse en général, je vous la rappelle aujourd’hui pour mon propre compte. Nous voudrions consoler la cruelle angoisse que nous venons de traverser par des détails et des progrès qui ne nous laissent pas entièrement dans le vide. Nous ne voulons pas vous les demander, ou, s’il y en a qui vous les demande, vous avez bien le droit de les refuser, car je doute, chère Madame, que n’ayez pas été aussi atteinte que M. de Montalembert, et j’ai tout autant le désir d’être rassuré sur vous que sur lui. Tout serait concilié si vous pouviez, pendant quelque temps, adresser un bulletin de deux ou trois fois par semaine, rue du Bac : tout le monde à un correspondant quelconque à Paris, et nous ferions venir de là des satisfactions qui ne vous coûteraient presque rien. J’allais écrire au curé de Maîche1, lorsqu’une première dépêche télégraphique m’est arrivée, et, si je n’avais pas été certain de rester à moitié route, je n’aurais écrit à personne, et j’aurais été reprendre mon gîte dans une auberge où l’on peut s’établir sans votre permission, et qui m’a laissé un très doux souvenir.

Je continue à vous ménager, chère Madame, en supprimant tout ce qui essaierait de vous intéresser à mes propres sentiments. Vous y croyez, puisque vous m’avez fait une part dans de tels moments. C’est à Dieu que je veux dire de mon mieux ce que je ne vous dis pas, et, s’il était permis de former un tel vœu sans cruauté, je dirais qu’il faut que les gens qu’on aime subissent une grande épreuve, pour bien apprendre la prière à ceux qui n’y excellent pas naturellement. Voulez-vous me permettre aussi de comprendre tout ce qui vous est cher dans l’expression que je vous adresse ici, de l’attachement le plus vrai et le plus étroitement fidèle.

Falloux

1Le château de Maîche, au sud de Montbéliard, près de la Suisse, propriété des Mérode avait été cédé après le décès de Félix de Mérode à l’épouse de Charles de Montalembert.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 septembre 1868», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1868,mis à jour le : 18/04/2021