Année 1869 |
15 novembre 1869
Alfred de Falloux à Charles de Montalembert
15 novembre 1869
Très cher ami,
Je ne voudrais pas vous fatiguer de deux lettres coup sur coup ; mais ceci ne sera qu’un extrait de la lettre d’un autre. L’archevêque de Cambrai, ancien grand vicaire angevin, m’étant connu de vieilles dates comme radicalement opposé au styles, aux procédés et à la théologie de Veuillot, je me suis permis de lui écrire pour lui exprimer ma surprise d’un article de sa semaine religieuse, triomphalement reproduite dans l’Univers. M. l’archevêque1 a bien voulu me répondre2 qu’il était absolument étranger à cet article et que la semaine religieuse de Cambrai qui en avait informé directement l’Univers, allait en informer aussi ses propres lecteurs. Puis il ajoute : « vous me rendez parfaitement justice en pensant que si j’avais des observations à faire, dans l’intérêt de l’Église, à des hommes qui lui ont rendu d’aussi grands services et lui demeurent aussi filialement dévoués que vous (1), MM. de Montalembert, de Broglie et Foisset, je ne les leur transmettrais pas par la voie d’un journal ou recueil quelconque, mais bien directement et avec tous les égards qui leur sont dus. Du reste, je crois que vous pouvez êtes sans inquiétude sur la prudence, la justice et la charité avec lesquelles le concile ménagera l’opinion honnête et éclairée de notre pays ».
Assurément, M. l’archevêque aurait encore mieux fait d’écrire cela à Veuillot qu’à moi ; mais dans la veine présente de frénésies et d’extravagances, un évêque qui parle avec calme, politesse et justice, est un fait remarquable, qui m’a paru digne de vous être transmis à titre de consolation, pour votre honneur de catholique et de français.
Mille vœux et mille tendresses.
Falloux
P.S. J’ai transmis à Paris le texte même par lequel l’archevêque décline toute responsabilité dans les jugements de sa semaine religieuse et j’ignore pourquoi nos amis n’en ont pas usé dans le Français ou la Gazette de France qui m’arrive ce matin.
(1) Je suis souligné ici parce que en écrivant je ne m’étais pas nommé. Ce n’est donc qu’une politesse de l’archevêque et non un classement hiérarchique, bien entendu.
2Voir la lettre de Mgr Régnier à Falloux du 10 novembre 1869.
