CECI n'est pas EXECUTE 30 juillet 1885

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30 juillet 1885

Arthur de Cumont à Alfred de Falloux

L’Épinay1, 30 juillet 1885

Cher ami,

Quoi qu’il arrive ne mettez pas sous les yeux de Maillé2 et de Soland3 le texte de la lettre que je vous ai écrite au sujet des affaires de l’Union de l’Ouest. Avec vous je pense tout haut, je ne dissimule pas mes impressions, je n’adoucis pas mes expressions. Ailleurs, même auprès des plus intimes je me livre moins et j'use toujours un peu de réserve. Vous avez été, je le crains, un traducteur trop fidèle de mes inquiétudes, car Théobald m’écrit qu’il est étonné et affligé de ce que vous lui avez dit d’après ma lettre. Il me serait infiniment pénible qu’il pût croire à de la mauvaise humeur de ma part, ou que Maillé et lui me prêtassent l'intention de vouloir leur mettre le couteau sur la gorge. Mes souffrances et les tristesses de ma vie agissent peut-être sur mon caractère. En tout cas ce n’est pas au point de me rendre injuste. L’expert comptable m’a fait part de ses craintes. J’ai lieu de penser qu’elles ne sont pas absolument dénuées de fondement, et je m’en suis expliqué avec vous en toute liberté, suivant mon habitude. Mais si ces appréhensions et ces explications étaient mises sous les yeux de Soland et Maillé, je le regretterais beaucoup, parce qu’il ne me doivent rien, et pourraient à très juste titre trouver mauvais que j’ai l’air de les regarder comme des débiteurs récalcitrants.

Au fond, cher ami, votre intervention personnelle, en dehors de moi, est le meilleur moyen d’agir et d’aboutir. Nos deux amis en seront touchés et persuadés, tandis qu’ils se tiendront en garde contre des raisons inspirées, supposeront-ils, par l’intérêt personnel.

Je ne crois pas avoir perdu toute compréhension des choses et des hommes, et je vous assure que ce que j’ai fait connaître de ma lettre à Soland l’a vivement signé. Ce qu’il m’écrit en témoigne. Je vais lui répondre, et raccommoder de mon mieux cette petite déchirure.

Je suis toujours mal portant, et en désespoir de cause, je me suis mis entre les mains d’un sorcier. Il prétend qu’il me guérira, à moins qu’il ne m’achève ! Je bois des bouteilles de vin sur lesquelles il fait une croix avec la pointe de son couteau. Ce qui rassure ma conscience, c’est qu’ainsi le diable n’y est pour rien.

Quand revenez-vous au pays ?

Je vous embrasse tendrement.

A. de Cumont

1Château de l’Epinay, domaine d’Arthur de Cumont, à Saint-Georges sur Loire (Maine-et-Loire).

2Maillé, Armand Urbain Louis de La Jumellière de (1816-1903), député monarchiste de la circonscription de Cholet depuis 1871, il conservera son siège jusqu'en 1896, siégeant constamment avec l'Union des Droites.

3Conseiller général du canton de Thouarcé (Maine-et-Loire), Théobald de Soland (1821-1906) était un collaborateur de L'Union de l'Ouest. Venu suivre les cours de droit à la Faculté de Paris, il s'était lié avec Augustin Cochin, puis avec A. de Falloux. Revenu en Anjou en 1851, il entra dans la magistrature, puis devint conseiller Cour d'appel d'Angers. Entré au Conseil général en 1870, il fut élu député le 5 mars 1876 et constamment réélu jusqu'en 1898. Il siégea avec la droite.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 juillet 1885», correspondance-falloux [En ligne], 1885, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 16/12/2021