1885 |
17 décembre 1885
Arthur de Cumont à Alfred de Falloux
L’Épinay1, 17 décembre 1885
Cher ami,
J’ai encore, paraît-il, la tête près du bonnet, avec de vraies échappées de sous-lieutenant. C’est déplorable à mon âge. Néanmoins l’insolence de l’évêque me remue toujours le sang, et je ne parviens pas encore à digérer son mot. Pas plus que vous et nos amis je n’étais pour le refus, pour une fin de non-recevoir, pour la publication quand même du discours de l’archevêque, et, pour les excellentes que vous me donnez, je trouve au contraire très habile l'atitude de l’Union de l’Ouest. Mais je persiste à regretter l’insuffisance de la note de Jules André2.
Les prêtres intelligents et éclairés, c’est-à-dire le petit nombre, penseront de la lettre de l’évêque3 ce que nous en pensons nous-mêmes. Le reste, c’est-à-dire la majorité, nous voyant accepter avec une humilité si parfaite les arrogantes injonctions de Mgr Freppel en tirera la conséquence qu’il fait tout plier et tout trembler devant lui, puisque l’Union de l’Ouest elle-même n’ose broncher, alors qu’il use à son égard des formes et des expressions les plus blessantes. Voilà mon impression, bonne ou mauvaise, vraie ou fausse, et je n’insiste pas davantage, parce que la chose est faite, parce qu’il est trop tard désormais pour venir piétiner sur cette incongruité épiscopale, parce qu’aussi un dîner réchauffé ne valut jamais rien. Ce qui me console d’ailleurs, c’est le soin et la merveilleuse activité que met l’évêque depuis quelque temps, à se démolir lui-même.
Vous ne me parlez pas de votre santé. Point de nouvelles, bonnes nouvelles. Je vous embrasse tendrement.i
A.C.
1Château de l’Épinay, domaine d’Arthur de Cumont, à Saint-Georges sur Loire (Maine-et-Loire).
2Rédacteur en chef de L'Union de l'Ouest.
